Mon "scrapbook", tout simplement

Le canard de Pékin

Le canard de Pékin est une de mes recettes les plus “classiques”. Depuis plus de 30 ans. C’est l’excuse de bien des repas sympathiques.

Malgré les apparences, ce n’est pas un plat complexe, même si sa préparation est très longue. Je ne recule devant jamais cet obstacle, parce que c’est un plat très convivial, qu’il est si agréable de partager avec un bon groupe de commensaux. C’est un plat qui se mange lentement, puisque chacun doit “construire” ses crêpes farcies, au fur et à mesure. Les convives se passent entre eux les bols et les assiettes. Un peu comme la fondue, chinoise, suisse ou bourguignonne, ou la raclette.

C’est un plat succulent, qui se démarque par la variété des textures: le croustillant de la peau, le moelleux de la chair, l’agréable fadeur de la crêpe, le sucré-salé de la sauce hoisin, le croquant du concombre, le piquant de l’échalote, le pimenté de la sauce forte.

J’ai d’abord trouvé une recette de canard de Pékin dans le livre sur la cuisine chinoise, dans la collection “La cuisine à travers le Monde” des Éditions Time-Life (1970), que j’avais obtenu de mon frère Dominic.

J’ai d’abord cuisiné le canard de Pékin à la classique, tel que l’indiquait la recette. Mais j’ai vite compris que cette manière exigeait beaucoup trop d’efforts. La cuisson était extrêmement longue, avec une alternance itérative de “mijotage” et de séchage des volailles, que je faisais au grand air, sur la corde à linge. Ensuite, le cuisinier était “condamné” à séjourner dans la cuisine pendant la plus grande partie du repas, pour dépecer les canards, et pour préparer avec les carcasses la soupe à consommer en fin de repas.

J’ai vite innové avec une version simplifiée, qui demeure tout aussi satisfaisante. Je me procure des canards laqués tout cuits, facilement disponibles dans les grandes boucheries chinoises de Montréal, plutôt que d’acheter des canards frais pour les cuire et les sécher moi-même; la “Montagne Dorée” de Québec s’en approvisionne à Montréal chaque semaine. Je fais tout ce que je peux un jour ou deux d’avance: le débitage des volailles, la préparation de la soupe. La tradition en souffre un peu, mais il y a de nombreux avantages: pas d’odeur de gras chauffé dans la maison, une soupe bien dégraissée, des ingrédients déjà prêts et surtout la possibilité pour le cuisinier de profiter du repas avec les autres convives.

Préparation en cuisine

Le canard laqué (d’un poids d’environ 1500 g) est livré entièrement cuit. Il faut le dépecer, en séparant la viande, la peau et la carcasse. C’est une tâche longue et fastidieuse, pour laquelle il faut compter environ 45 minutes par bête.

La peau

La peau est une partie importante du plat, qui fait office de “condiment”. Il est important que celle-ci soit dégraissée au maximum, et aussi croustillante que possible. La peau est d’abord retirée. Toute la graisse visible est ensuite enlevée, le plus souvent en grattant l’intérieur de la peau. Elle est ensuite découpée en petites pièces pièces (au plus 2 cms) que les invités pourront utiliser pour composer leurs crêpes. Les morceaux sont disposés sur une grille recouverte d’un papier essuie-tout, elle-même déposée sur une plaque à biscuits, pour être mis à sécher au four, pendant 20 ou 30 minutes. La peau ne doit ni cuire ni rissoler; c’est pourquoi la température doit être assez basse, autour de 200 F ou 250 F. Les morceaux de peau jettent beaucoup de gras, la grille les empêchant d’y “baigner”. Il faut souvent remplacer l’essuie-tout pour éponger les excédents.

La viande

La viande est simplement découpée en petits morceaux, là aussi ne dépassant pas 2 cms.

J’emballe habituellement les morceaux refroidis de la peau de chaque canard dans un petit sac ZipLoc, et les morceaux de chair dans un autre petit sac ZipLoc. Cela permet de présenter en même temps sur la table la chair et la peau d’un canard et équilibrer la consommation relative des deux éléments. La peau est tellement appréciée par les dîneurs qu’on voit des “querelles amicales”, néanmoins épiques, à propos de “canards qui n’avaient pas assez de peau” ou de “convives qui se servaient trop généreusement de peau”.

Le bouillon

Une fois nettoyées de la chair et de la peau, ainsi que du gras excédentaire, des tendons et autres parties inintéressantes, les carcasses sont brisées en petits morceaux et mises à bouillir dans un peu d’eau (moins que ce qu’il faut pour couvrir), avec quelques oignons, un peu d’ail, des morceaux de gingembre, des grains de poivre, un peu de sel, et un peu de cinq épices. Mijoter quelques heures. Retirer les carcasses et les aromates. Bien filtrer, encore tiède, dans un coton ou un essuie-tout. Laisser refroidir. Dégraisser si nécessaire.

Selon la tradition, la soupe est servie à la fin du repas. Mais, rien ne s’oppose à la servir au début. Deux manières possibles de servir. Ma préférée: déposer dans chaque bol une bonne cuillère à soupe d’échalote (la ciboule, en France, pas l’échalote grise) tranchée finement et quelques brins de cresson, avant d’y verser le bouillon très chaud. Ou alors, si le cresson n’est pas disponible, ajouter juste avant de servir dans la casserole de bouillon des lanières de chou (vert, chinois, ou même bokchoy) qui chaufferont tout juste, tout en restant un peu croquantes; verser dans des bols contenant déjà une bonne cuillère à soupe d’échalote tranchée finement.

Les crêpes

Les crêpes sont au cœur de ce plat. Mais, ces crêpes ne peuvent être comparées ni à la crêpe bretonne ni à la crêpe domestique, qui sont faites à partir d’une pâte presque liquide. La crêpe du canard est faite d’une pâte très pauvre, solide, cuite d’abord par l’eau bouillante qui entre dans sa composition, puis par la chaleur sèche des poêlons de fonte. Elle est plutôt fade, ne comportant ni sel ni sucre. Mais elle est parfumée de l’huile de sésame.

La fabrication doit être faite rapidement, en séquence, sans perte de temps entre les étapes, puisque les crêpes sont susceptibles de se dessécher rapidement. C’est pourquoi il faut toujours les couvrir de linges humides à chacune des étapes.

Il est envisageable qu’une seule personne puisse fabriquer les crêpes, surtout si la quantité est limitée. Mais, afin de maintenir la suite des opérations pour la production de plusieurs dizaines de crêpes, il est plus facile de travailler à plusieurs.

  • Fabrication de la pâte. La pâte doit être fabriquée en petites quantités, au fur et à mesure de la fabrication des crêpes. Une quantité de 240 g de farine blanche est d’abord humectée de 200 ml d’eau bouillante (oui, bouillante). Pétrir délicatement avec les doigts (c’est très chaud). La pâte est conservée sous un linge humide.
  • Premier roulage. Une portion de pâte est d’abord roulée assez épaisse, disons à 3 mm, en utilisant un rouleau à pâte, ou une bouteille de vin. Des formes circulaires de 7 cm de diamètre sont ensuite découpées à l’emporte pièce (ou avec un verre) dans cette première pâte. Les pâtons sont conservés sous un linge humide.
  • Second roulage. Deux pâtons sont légèrement badigeonnés d’huile de sésame sur un seul côté, et combinés de ce côté. On les roule ensuite jusqu’à ce que la crêpe résultante soit presque translucide. Les crêpes combinées devraient mesurer 20 cm de diamètre et environ 1 mm d’épaisseur. Les crêpes sont conservées sous un linge humide.
  • Cuisson. Les crêpes sont cuites à sec, idéalement sur des poêles de fonte. Ce medium conservant bien la chaleur, il n’est pas nécessaire de chauffer très fort les poêles. Par contre, il est important de bien préchauffer les poêles de façon à ce qu’elles atteignent une température régulière. Les crêpes sont cuites à sec, de chaque côté, jusqu’à ce que de petites taches brunes apparaissent, sans plus. Il arrive que la chaleur fasse gonfler l’assemblage. Une fois les deux côtés cuits, il s’agit de séparer immédiatement les deux crêpes, avec l’aide d’un petit couteau pointu. Attention ! Gare aux brûlures ! L’air entre les deux crêpes est très chaud ! Les crêpes cuites sont elles aussi conservées sous un linge humide, pour une consommation rapide. Pour une conservation plus longue, refroidir les crêpes et les accumuler dans de grands sacs ZipLoc.

Tous les éléments préparés (bouillon, peau, viande et crêpes) peuvent être conservés quelques jours au frigo, et ils peuvent également être congelés. Un canard devrait pouvoir suffire pour 2 ou 3 personnes. De la même manière, 7 ou 8 crêpes par personnes suffisent généralement.

Chaque recette de crêpes produit environ 20 crêpes, ce qui suffit normalement pour 2-3 personnes.

Préparation de la table

Sur la table, on dispose les ingrédients suivants.

  • Échalotes (ciboule). Débiter des échalotes en tronçons de 4 ou 5 cm, refendus sur le long lorsque trop larges.
  • Concombre. Débiter des concombres (de préférence des concombres anglais sans pépins) en tronçons de 4 ou 5 cm. Couper radialement en quarts ou en huitièmes. Enlever le cœur moins ferme de chaque tronçon. Refendre en long, en conservant un bout de peau pour chaque morceau. Comme résultat final, on a des “allumettes” de chair ferme, sans pépins, longues de 4 ou 5 cm, larges de 2 ou 3 mm, et épaisses d’autant, chacune avec un côté recouvert de pelure.
  • Sauce Hoisin. Cette sauce salée-sucrée donne le ton au goût de l’assemblage.
  • Sauce pimentée. Pour les amateurs.
  • Sauce soya. Pour les amateurs
  • Riz étuvé ou bouilli.
  • Légume simple.
  • Les crêpes. Elles sont réchauffées (et tenues chaudes) à la vapeur. Prévoir une casserole contenant une petite quantité d’eau, avec une assiette légèrement plus petite soulevée sur une grille (ou de quelque autre manière). Les crêpes sont simplement déposées sur l’assiette, l’eau amenée à l’ébullition et maintenue une minute pour produire la vapeur nécessaire à réchauffer les crêpes.
  • Viande et peau. Les morceaux de viande et de peau sont disposés sur des assiettes distinctes ou dans des bols. À réchauffer d’abord au four micro-ondes. Puis à maintenir (couvert par un papier alu) au four à température assez basse.

Assemblage du plat

Pour déguster le plat, il faut l’assembler. D’abord, une crêpe bien moelleuse et bien chaude. Au milieu, de la sauce hoisin et de la sauce piquante. Dessus, des morceaux de viande et de peau. Enfin des morceaux d’échalote et de concombre. Il n’y a plus qu’à rouler la crêpe bien serrée, et à la déguster. Peut être accompagné de riz, et d’un simple plat de légumes chinois.

Le plus récent canard

En prime, les photos des petites filles, Maila, Florence, Clara et Maude, prises lors de la dernière soirée de canard de Pékin,  chez Khaled et Marie-Ève.