Mon "scrapbook", tout simplement

2009 Pyrénées

Je suis en France, à la fois pour revoir les amis (Delphine de Paris, Martine d’Ibos, Marie-Pierre et Jean-Marc de Bagnères de Bigorre) et pour faire plusieurs journées de randonnée dans ces belle Pyrénées. Il est un peu tard dans la saison, mais je compte bien sur ma chance pour avoir le soleil et le temps sec de mon côté.

Je planifie ce voyage comme un “bain de randonnée” à effectuer juste après la correction des épreuves de mon guide sur l’Argentine. Je songe d’abord à deux semaines au Maroc à faire le tour du Toubkal (le sommet du Haut-Atlas) avec un groupe puis à une semaine dans les Pyrénées, le tout avec un passage à Paris chez Delphine.

Mais rien ne marche comme prévu.

Les Éditions Ulysse déplacent la date de parution du guide d’un mois, ce qui m’amène à consacrer beaucoup de temps durant ce voyage à effectuer les corrections et révisions.

Le groupe du Maroc ne se forme jamais, ce qui m’oblige brièvement à envisager la randonnée autonome au Maroc, puis une portion du GR20 de Corse, avant de concocter un beau programme  dans les Pyrénées. Il devient même possible que Jean-Marc se joigne à moi au cours de la troisième semaine.

La randonnée pyrénéenne est précédée (et suivie) par deux petits séjours à Paris, chez Delphine que je n’ai pas vue depuis 2 ans.

Semaine 1: D’Estaing à Bagnères-de-Bigorre

Lundi 12 octobre

Aussi surprenant que ça puisse paraître, ça peut coûter moins cher de voyager en avion entre Paris et les Pyrénées qu’en train. Juste au-dessous de 100 euros, aller-retour. L’Amérique est en retard sur l’Europe à cet égard ! En fait, c’est que les nombreuses réductions de la SNCF ne sont pas accessibles aux étrangers, alors qu’Air France ne fait aucune distinction.

Parti tôt le matin de Paris, j’arrive en fin de matinée à l’aéroport de Lourdes. Un aéroport bien particulier, qui dessert 50 ou 60 compagnies aériennes, tout en n’ayant qu’un horaire de 3 vols quotidiens avec Paris. Tous les autres sont des vols nolisés desservant les pèlerinages. En fait, à mon arrivée, il y avait plusieurs dizaines de gros appareils de toutes sortes de compagnies européennes  garés un peu partout sur le tarmac.

Je suis enchanté de la bizarrerie de ce projet de me rendre à pied jusqu’à Bagnères de Bigorre, chez Marie-Pierre et Jean-Marc, par monts et par vaux, en quatre jours de randonnée.

Martine Cazenave, avec qui j’étais en Argentine en octobre dernier, me prend à l’aéroport, malgré son horaire follement chargé (tango, radio, bandonéon, cinéma, enseignement et sa vie familiale. Nous avions trouvé que ce lundi matin était le seul moment des trois semaines de mon voyage où nos horaires respectifs pouvaient se recouper. Et Martine a gentiment offert de me conduire à Arrens, le point de départ de la randonnée.

Un arrêt à Lourdes pour compléter les bagages de ces petites choses qu’il est impossible de transporter en avion (allumettes et alcool à brûler), et nous partons vers Arrens. Nous y sommes bientôt et mangeons dans un sympathique petit restaurant marocain, “Les mille et une épices”.

Martine me conduit vers la vallée d’Estaing, afin de faciliter le départ sur le sentier du GR10, le lendemain matin. Nous constatons vite que la saison touristique est bien et bien terminée, car les gîtes et campings sont tous fermés.

Heureusement, un camping(appelé bizarrement “La Pose”) demeure ouvert. Martine m’y laisse. Le patron m’offre gentiment (pour le prix du site de camping, la bagatelle de €5) de ne pas monter la tente et de coucher plutôt  dans l’une de nombreuses caravanes qui encombrent son terrain de camping. Voilà qui simplifie les choses.

Semaine1
D’Estaing à Bagnères en 4 jours

Mardi 13 octobre

Départ des Colonies (1100m) dans la vallée d’Estaing, montée au lac d’Estaing (1200m). Montée au col d’Ilhéou (2300m). Descente au refuge d’Ilhéou (2000m). Dénivelé +1200m, -300m, total 1400m.

Je me réveille tout naturellement au lever du soleil. En fait au moment où  la lumière apparaît dans la vallée. Il est 7h45, et ce sera mon heure “naturelle” de réveil pour tout le voyage. Déjeuner rapide et je m’engage sitôt sur le GR10, en montée vers le lac d’Estaing. Aux abords du lac, je perds  le GR10, qui est mal marqué. Je le retrouve rapidement, qui oblique dans une épaisse et magnifique sapinière.

Je renoue avec la randonnée pyrénéenne, avec ses beaux sentiers et avec ses pentes très fortes qui me surprennent chaque fois. La montée, sous le ciel pur et le grand soleil d’automne, est régulière et lente. Personne en vue, sauf un vieux monsieur venu repérer la présence d’isards, en vue de la chasse du lendemain avec son petit-fils. J’arrive au col d’Ilhéou à temps pour le casse-croûte du midi.  Je goûte le calme de la montagne, jusqu’à ce qu’un gypaète, qui débouche au ras d’une pente herbue et passe à 5 mètres au-dessus de ma tête, me fasse sursauter.

Je reprends le chemin et descends en direction du refuge d’Ilhéou. J’espère utiliser la “salle d’hiver” qui est disponible hors saison, mais le refuge est complètement fermé. Des chasseurs rencontrés le lendemain m’apprennent que l’intérieur du refuge a été saccagé quelques jours plus tôt. J’installe donc ma tente sur l’aire de bivouac, 10 minutes au-delà du refuge, plus avant dans la vallée et juste au bord du lac. Maintenant que les quelques randonneurs de jour sont repartis, je suis tout seul dans la vallée, avec personne d’autre à des kilomètres.

Mercredi 14 octobre

Départ du refuge d’Ilhéou (2000m). Descente vers Cauterets (900m). Descente vers Pierrefitte-Nestalas (500m) en empruntant la Voie Verte. Coucher au camping de Larbey. Dénivelé -1500m, total 1500m.

Cette journée sera totalement en descente, d’abord vers Cauterets, puis le long de l’ancienne ligne de chemin de fer vers Pierrefitte, pour se terminer dans un camping (avec douche SVP). Au casse-croûte, juste en dehors de Cauterets, je passe un moment avec un breton psychopathe vivant dans son petit camion, ce qui me donne une conversation tout à fait surréaliste.

Côté bouffe, les vieux (ils ont certainement été fabriqués il y a plus de 4 ans) repas déshydratés que j’ai avec moi demeurent excellents, sans indication de leur âge. Seul problème: je me fais chiper un plat de pâtes au thon (avant qu’il soit cuit) par un animal (le chat de la propriétaire ???) au camping de Pierrefitte. Ce soir là le souper est réduit !

Jeudi 15 octobre

Départ de Pierrefitte (500m). Montée au lac d’Isaby (1550m) et à la Hourquette d’Ouscouaou (1900m). Descente au lac d’Ourec (1700m) et à la clairière d’Herraou (1300m). Dénivelé +1400m, -600m, total 2000m.

Jeudi, c’est une longue montée vers les lacs d’Isaby et d’Ourec, pour descendre coucher en haut du Chiroulet. La distance est longue, et j’utilise pratiquement toutes les heures de lumière de cette journée. La nuit est très froide, avec un minimum à 10 degrés sous-zéro, … alors que mon sac de couchage est coté à zéro degré. Pas vraiment confortable !

Vendredi 16 octobre

Départ d’Herraou (1300m).  Descente au Chiroulet (1100m), puis plus bas à Trémésaouret (1000m). Montée vers le bois de Transoubats (1000m) via la route forestière donnant l’accès au sentier Montaigu. Descente au “rond-point” d’Esquiou (1000m). Montée au Monné (1200m). Descente à Bagnères de Bigorre (500m). Dénivelé +600m, -1200m, total 1800m.

Puis une dernière longue journée surtout par des chemins forestiers un peu oubliés en direction de Bagnères. Je rencontre à Esquiou, un couple de Tarbes qui m’apprend que mon itinéraire a déjà été suivi (en sens inverse) par George Sand, qui en a tiré l’inspiration d’un des contes (“Le géant Yéous”) de ses “Contes d’une grand-mère”.

Je retrouve Marie-Pierre et Jean-Marc, avec  leur hospitalité et leur chaleur. Je les retrouve après deux ans comme si nous nous étions quittés la veille. C’est très sympathique d’arriver directement chez eux à pied au terme de 4 journées de randonnée par monts et par vaux.

C’est une très belle semaine. Pleine de soleil, de ciels purs et de lumière dorée. Il y avait peu de randonneurs sur les sentiers, mais des chasseurs sympathiques en quantité, qui prennent le temps de jaser.

Fin de semaine: Le Soum de Hailla, avec Marie-Pierre et Jean-Marc

Dimanche le 10 octobre

Départ des Cayres de By (800m), un peu avant Sainte-Marie de Campan. Montée à un sommet secondaire, le Soum de Hailla (1900m). Puis retour au point de départ. Dénivelé +1100m, -1100m, total 2200m.

Arrivé chez Jean-Marc et Marie-Pierre en fin d’après-midi du vendredi, je me propose de passer les deux jours de fin de semaine chez eux, à partager mon temps avec eux … et à reposer les pieds, les mollets et les cuisses qui souffrent un peu et ne demandent qu’à faire relâche. Mais, il fait tellement beau qu’il ne faut pas gaspiller ce ciel limpide, cette magnifique lumière automnale, et la chaleur relative du jour.

Le samedi, il y a le marché avec Jean-Marc et Marie-Pierre, pour faire les approvisionnements de la prochaine semaine, pour acheter de quoi manger les prochains jours et pour prendre de la bière et du vin pour agrémenter nos conversations. Je fait aussi la lessive car, avec des montées de 1000 à 1500m chaque jour, les vêtements sont déjà “puants”.

Dimanche

Le dimanche, nous partons tous les trois vers la montagne. L’objectif que propose Jean-Marc c’est le Soum de Hailla, un sommet secondaire du Pic du Midi de Bigorre, que nous abordons depuis Sainte-Marie de Campan.

Nous sommes en basse montagne, et toute la randonnée se fait sur des pentes herbues, fréquentées tout l’été par les troupeaux de brebis. Après une demi-heure d’hésitations causées par un mauvais marquage, nous nous engageons dans une montée régulière et assez facile. Mais il faut quand même grimper ces 1100 mètres ! Nous sommes récompensés par un casse-croûte sympathique (miam! du saucisson de canard, dont j’abuse toujours, du bon pain et ces magnifiques fromages montagnards), avec des vues magnifiques sur toute la vallée de Bagnères, en particulier sur le massif calcaire qui nous fait face. La différence de température entre 800m et 1900m est remarquable. Une belle journée, assombrie seulement par un problème mécanique pour la vaillante Renault 5 du père de Jean-Marc.

Semaine 2: De Bagnères de Bigorre à Loudenvielle

Le projet original pour la seconde semaine de randonnée est de joindre les deux Bagnères par le GR10 en une semaine. Départ de Bagnères de Bigorre le lundi, arrivée à Bagnères de Luchon le vendredi, et retour par transport public. Mais, la saison est déjà avancée, il fait beau mais plutôt froid et la neige ne peut pas être bien loin. Sans compter que le parcours du GR10 entre le lac d’OO et Luchon se fait à une assez  haute altitude, et sur le versant nord des crêtes. En plus, pour atteindre cet objectif, il faudrait compter sur des étapes plutôt longues, et compter sur la continuation du beau temps. Il y a donc beaucoup de “risques”. C’est pourquoi il faut changer le parcours, en fait le raccourcir.

Semaine2

Lundi le 19 octobre

Départ d’Artigues (1400m). Montée en passant par le refuge de Campana (2200m), puis par le col de Bastan (2500m). Descente au refuge de Bastanet (2200m). Dénivelé +1100m, -300m, total 1400m.

Marie-Pierre me conduit ce matin un peu en haut d’Artigues, sur la route de La Mongie, presque au sommet de la vallée de Bagnères. C’est de là que part le GR10C, qui donne accès au GR10 lui-même. Je connais ce sentier pour l’avoir déjà parcouru dans l’autre direction.

Il fait beau, mais frais. Ce sera le seul moment où je rencontre d’autres randonneurs (tous sortis pour cette journée en particulier, en prévision de la mauvaise météo pour les jours suivants). Au départ, il n’y a personne d’autre sur le sentier. Mais après une petite heure, je vois deux randonneurs bien loin derrière, qui avancent un peu plus rapidement. Le couple de randonneurs me rattrape peu après que je sois rendu au premier barrage. Ce sont de vrais montagnards, de plus de 70 ans, randonneurs depuis toujours et sous toutes les latitudes, dans les Pyrénées comme à travers le monde (Népal, Chili, USA,…). Ils profitent de la bonne météo pour faire un sommet bien secondaire dans le coin. “Les sommets principaux, nous les avons déjà faits, … bien des fois”.

Je poursuis mon chemin et, à l’heure de casser la croûte, j’arrête au refuge de Campana (qui n’est plus gardé à cette date, mais ouvert à ceux qui cherchent … refuge). Je poursuis (toujours en montée) vers le col de Bastan qui sépare les deux vallées. Le parcours de cette journée longe la frontière de la célèbre réserve du Néouvielle, reconnue pour abriter la plus haute forêt d’Europe, avec ses sympathiques pins à crochets. Le décor de rochers et de pins déborde évidemment les limites de la réserve, et je savoure ce spectacle toute la journée.

Mais c’est à l’étape du soir, au refuge inhabité du Bastanet, que le spectacle est le meilleur. Comme celui de Campana, le refuge de Bastanet est préparé pour l’hiver, mais il est possible de s’y installer. Cette bâtisse sans éclairage ni fenêtres, abrite en saison un grand nombre de randonneurs, dans ce qui doit être une grande promiscuité. Je n’apprécierais certainement pas cette multitude, mais je suis bien content ce soir de ne pas déplier la tente et de profiter, tout seul de ce toit bien commode.

À mesure que le voyage se poursuit, je comprends que les dates choisies pour le présent voyage sont un peu tardives, et que j’aurais pu le programmer un peu plus avant dans la saison. Mais comme je ne voulais pas rater le bal du 3 octobre pour le 10ième anniversaire de l’association tango, il faudra me débrouiller avec cette arrière-saison, et m’en satisfaire.

Mardi le 20 octobre

Départ du refuge de Bastanet (2200m). Descente jusqu’au GR10 (2100m). Montée au col du Portet (2200m). Longue descente vers Vielle Aure (800m). Coucher en gîte d’étape. Dénivelé +100m, -900m, total 1000m.

Le mardi, je me lève avec le soleil (7h45) comme chaque jour, et je pars une heure plus tard, dans une longue journée surtout en descente. La première partie du trajet se fait au-dessus du lac de l’Oule, que je connais bien, pour y avoir fait une de mes premières sorties pyrénéennes en 1999, et pour y être revenu (selon divers itinéraires) plusieurs fois depuis.

Sitôt parti du refuge de Bastanet, un vent très fort apparaît, accompagné d’une fine pluie. Ce vent se place au centre de l’action pour cette journée. C’est à croire que je suis en Patagonie, avec ces longues bourrasques qui obligent à m’arrêter complètement et à présenter le dos à la furie du courant d’air. Les vêtements et le couvre-sac claquent bien fort. Un arrêt sous le vent de la station supérieure d’un téléphérique, pour casser la croûte, et je repars dans cette longue descente. Au terme, après plusieurs hésitations (et retours sur mes pas), que le marquage déficient du GR10 me cause, j’arrive au village de Vielle-Aure, où je trouve tout de suite un sympathique gîte d’étape; j’y suis le premier client depuis le début d’octobre, et on me loue un petit appartement à un prix dérisoire. Ça me permet d’éviter les fortes pluies de la nuit, et j’en profite pour faire un (édifiant!) panorama des programmes de la télévision française.

Mercredi le 21 octobre

Départ tardif de Vielle-Aure (800m). Montée vers Azet (1200m) et le Couret de Latuhe (1600m). Descente vers Loudenvielle (1000m). Coucher au camping La Pène Blanche. Dénivelé +800m, -600m, total 1400m.

Mercredi, il pleut toujours. Cette pluie s’est manifestée sous forme de neige au-delà de 1500m, en des endroits où j’étais moi-même passé la veille. Voilà qui peut compliquer les choses.

Mais ça s’améliore un peu vers 11h, et je peux lancer la montée vers le col du Louron. Je serai accompagné (non, plutôt guidé) par un sympathique gros chien, … dont j’ai eu peine à me débarrasser. À croire qu’il se renndait, lui aussi, à Loudenvielle!  La température est juste correcte, mais avec de magnifiques vues sur les sommets maintenant enneigés. J’ai d’autres déboires avec le marquage déficient, surtout dans les changements abrupts de direction, ce qui entraîne des pertes de temps bien inutiles. Je m’installe dans un camping de Loudenvielle où je suis, là aussi, le seul client du jour.

Jeudi le 22 octobre

Pas de randonnée.

Le jour se lève sur un ciel dégagé mais très rouge à l’est. Un bien mauvais signe, qui se confirme sous forme de pluie, dès le moment où je quitte le camping. Il pleut bientôt à boire debout, et je prends vite la décision de terminer la randonée et de rentrer à Bagnères, d’autant que la météo n’est pas bonne ni pour jeudi ni pour vendredi. Je ne pourrai pas monter à la l’arête que je désirais longer. Je fais du stop jusqu’à Arreau, je prends un premier bus vers Lannemezan, un train vers Tarbes, et un second bus vers Bagnères. Il ne reste plus qu’à marcher le dernier kilomètre sous la pluie battante. La semaine de randonnée s’arrête, faute de beau temps. Ça donne le temps de réviser les épreuves du guide sur l’Argentine reçues ce matin des Éditions Ulysse.

La randonnée de cette semaine a été extraordinaire, avec des paysages fantastiques de moyenne montagne, dans la paix et la solitude puisque je n’ai rencontré quasiment personne.  La température était moins parfaite que la semaine dernière (ça ne pouvait être mieux, ou même être égalé !!!), avec plus de vent, et de la pluie.

Semaine 3: Une petite virée sur la frontière

Cette troisième semaine de randonnée correspond aux vacances scolaires de Toussaint. Jean-Marc est donc libéré de ses tâches d’instituteur pour 10 jours. Belle occasion de randonner ensemble, d’autant plus qu’il y a déjà quelques années que nous ne l’avons pas fait. Nous cherchons un itinéraire, de préférence un qui ait toutes ces qualités: permettre un retour facile à la voiture, offrir des paysages nouveaux pour nous deux, et tenir compte de la neige nouvellement tombée en altitude. Nous concoctons facilement une petite virée le long de la crête transfrontalière, au départ de ce village situé à la tête de la vallée d’Aure, qui porte le même nom que Jean-Marc, Aragnouet. Notre projet prévoit d’abord une montée le long du vallon de la Géla, une première nuit au refuge de Baroude. De là, nous espérons suivre la crête frontalière, le long de la HRP (la haute route pyrénéenne), jusqu’à un second bivouac en vallée, aux Granges du Moudang. Ce serait ensuite une nouvelle montée vers la crête, pour aboutir dans la vallée du Rioumajou le troisième soir. Puis un retour vers la voiture le dernier jour. Mais il a neigé quelques jours plus tôt, à partir de 1500m. Il n’y a pas beaucoup de neige sur les sommets français, mais nous découvrons un enneigement de plus de 50 cm sur de la crête de la frontière franco-espagnole (que nous comptions justement suivre). Nous serons obligés de revoir notre itinéraire, pour éviter les hauts versants pentus, avec leur neige trop molle le jour et trop dure la nuit. C’est ainsi que nous avons pu contourner les crêtes par une incursion plus profonde en Espagne et écourter le trajet, avec une troisième journée plus longue et ainsi “revenir à la civilisation” une journée plus tôt.

Semaine3

Dimanche 25 octobre

Départ de la route d’accès au tunnel international Aragnouet-Bielsa (1400m). Montée le long du vallon de la Gela. Accès au refuge de Baroude (2400m). Dénivelé +1000m.

Dimanche, nous nous engageons dans une haute vallée qui nous mène vers le refuge de Baroude, presque sur la frontière espagnole. Une très belle vallée, plutôt douce, avec beaucoup de pâturages, entre des sommets qui frisent les 3000m. La montée est facile.

Nous approchant du cirque qui barre le fond de la vallée, nous voyons une bonne harde d’isards, ces chamois pyrénéens, une vingtaine peut-être. En fait, nous verrons quantité d’isards chaque jour de cette randonnée.

À ce moment, nous constatons que la neige est abondante dans ce coin, beaucoup plus que n’importe où ailleurs. Nous croisons un gros groupe de randonneurs qui confirment que, plus haut, il y en a encore plus. Une fois rendus sur la corniche supérieure, nous laissons la trace de ces randonneurs, pour ouvrir notre chemin en direction du refuge dans plus de 50 cms de neige molle et humide. Pas très bon pour les bottes, les chaussettes et les pieds quand on a laissé les guêtres à la maison!

Mais ce n’est rien, quand on compare à la grande beauté de cette corniche austère, de pierre sombre nappée de neige fraîche, avec ses lacs gelés, et avec la douce lumière hivernale. Le refuge est accessible, et nous en serons les seuls occupants, du vrai luxe. Une paire de bottes oubliée sur une étagère permet de mettre mes pieds au chaud relatif. Le coin se couvre d’une douce brume, contraste entre le froid de la neige et la chaleur relative de l’air de la région. De sorte que (si ce n’était de la douceur relative de la température, autour du zéro, et le vent modéré) on se croirait (à travers la fenêtre) dans une tempête de janvier au Québec.

Nous profitons bien du luxe relatif (même la lumière électrique) du refuge, à 2400m. Le refuge est accessible, et nous en serons les seuls occupants, du vrai luxe. Une paire de bottes oubliée sur une étagère permet de mettre mes pieds au chaud relatif. Le coin se couvre d’une douce brume, contraste entre le froid de la neige et la chaleur relative de l’air de la région.

Lundi 26 octobre

Départ du refuge de Baroude (2400m). Montée vers le Port de Baroude (2600m, +200m). Descente de la vallée de Baroude jusqu’à l’Hospital de Parzàn sur la route du tunnel (1400m) et l’ancienne douane (1300m, -1300m). Montée jusqu’au refuge de Tringoniero (2000m, + 700m). Dénivelé +900m, -1300m, total 2200m.

Lundi, la neige est maintenant croûtée, et nous ne sommes pas certains qu’il sera facile de gravir le 200m qui nous séparent du col. Mais, nous sommes capables de tracer notre chemin en bonne sécurité, sans avoir à attendre que les rayons du soleil et la chaleur du jour ne ramollissent la neige.

Nous atteignons facilement le col, et découvrons qu’il est plus sage de randonner par les vallées espagnoles (très peu enneigées) que de suivre la crête internationale, avec les surprises de la neige et ses risques possibles. Le choix est facile à faire.

Nous nous engageons dans la longue descente (peut-être 1200m) , qui nous mène vers le lieu appelé Hospital de Parzàn, passant successivement des champs de neige molle, vers les pâturages et enfin la grande forêt. Rendus à la route, pas loin du tunnel transpyrénéen de Bielsa, nous la descendons un peu, jusqu’à l’ancienne douane espagnole, pour nous engager dans la vallée de Trigonerio plus à l’est. C’est alors une rude remontée de 600m vers le refuge de Trigonerio, le long d’un spectaculaire torrent plein à sa capacité.

Nous arrivons près du refuge (qui est en rénovation, donc pas vraiment utilisable) et plantons la tente, après une journée assez fatigante. Le temps d’un petit feu, d’un souper tranquille, de quelques gorgées de whiskey, et nous nous endormons profondément sous la lune croissante, … à 19h10 !

Mardi 27 octobre

Départ du refuge de Tringoniero (2000m). Montée au col du Moudang (2500m). Descente aux Granges du Moudang (1500m), puis au pont du Moudang (1100m) sur la route principale. Enfin, pour Jean-Marc, une remontée rapide le long de la route jusqu’à la voiture (1400m). Dénivelé +800, -1400, total 2200m.

La nuit est un peu froide, à la limite de nos sacs de couchage, mais nous ne souffrons pas. La journée de mardi s’amorce par une montée facile, et très bien marquée vers le col du Moudang. Au col, sous le grand soleil, nous nous retrouvons plus de 1000m au-dessus de la vallée du Moudang, avec plus de neige que du côté espagnol, et constatons l’absence totale de marquage de sentier.

Nous examinons les pentes, confirmons avec la carte, et décidons d’un itinéraire sécuritaire, tout en ne sachant pas s’il y aurait des surprises (barres rocheuses ou ravins) plus bas. Ce sera notre petite dose d’aventure. Mais la descente s’effectue bien. Et, après un arrêt casse-croûte, nous atteignons ce petit “village” saisonnier que sont le granges du Moudang suffisamment tôt pour envisager de filer vers la grand-route, un peu plus de 90 minutes plus bas.

Rendus au terme de la randonnée, nous comptions faire du pouce pour remonter les 6 kilomètres pour retrouver la voiture. Mais les voitures sont rares à la montée, et les chauffeurs (beaucoup de touristes, mais aussi des locaux) ne portent aucune attention à Jean-Marc. Il lui faudra gravir cette distance en marche forcée, dans un temps remarquable d’ailleurs. Voilà, c’est la fin des randonnées pyrénéennes. Je serai de retour à Québec dès dimanche. Dès ce moment, je m’occupe de reprendre le texte de ces courriels, avec un peu plus de détail, et surtout avec les magnifiques photos prises au fil des jours, dans un nouveau site Internet. Je vous laisserai savoir quand ce sera prêt.