Mon "scrapbook", tout simplement

Canarias – La Gomera

Introduction   Gran Canaria   Lanzarote   Tenerife   La Gomera   La Palma   El Hierro   Las Palmas

Du 27 février au 16 mars 2018

L’île de La Gomera a une réputation très bien établie auprès des randonneurs pour la qualité de ses sentiers, pour la densité de ce réseau pédestre et pour la beaut de ses paysages. L’île est petite (370 kilomètres carrés) et assez peu peuplée avec seulement 23,000 habitants.

Nous commençons la partie du voyage qui semble la plus prometteuse du côté de la randonnée. Nous allons visiter les trois îles les plus occidentales, des îles plus petites, moins peuplées, avec un relief très marqué. Aucune d’elles ne dispose de plages touristiques. Mais toutes ont un dense réseau de sentiers traditionnels dans des paysages remarquables. Elles ont donc toutes les trois misé sur la randonnée pour attirer les visiteurs. Les réseaux de sentiers sont bien entretenus et bien documentés. Ça devrait être du grand plaisir !

 

Mardi 27 février

Nous sommes à l’aéroport de Tenerife-Nord. Nous avons terminé l’enregistrement pour notre court vol vers La Gomera. Nous sommes prêts à partir. Nous relaxons sur de confortables chaises longues, puisque nous sommes clairement en avance.

L’heure du départ approche, et notre vol n’est toujours pas affiché. Je m’informe. On nous parle d’un retard, en raison de forts vents à l’aéroport de La Gomera. Le temps passe, et le vol n’est toujours pas annoncé. Puis une représentante de la compagnie rassemble la vingtaine de passagers du vol pour nous apprendre que les conditions locales ne s’améliorent pas. Elle nous offre le choix entre l’attente de meilleures conditions pour une reprise du vol ou un  autobus nolisé immédiatement pour attraper le traversier de 19 heures depuis le port de Los Cristianos à une heure à l’ouest. Tout le monde choisit le traversier.

Nous voilà donc en route vers le port. Le temps est compté et le chauffeur conduit comme un fou. Nous arrivons à la gare maritime tout juste pour 19 heures. L’embarquement est rapide. Nous sommes à bord de ce gros traversier rapide, un catamaran. Le vent est très fort ici aussi. Dès la sortie du port, nous sommes tout de suite ballottés par d’énormes vagues, qui ne se calmeront qu’à l’approche du port de San Sebastian, notre destination. Nous demeurons le plus possible à nos sièges. C’est plus confortable. Tout déplacement nécessite vraiment le pied marin.

Une fois descendu à terre, il y a un problème à régler: celui de la voiture. En effet, il est déjà presque 21 heures et celle qui nous était réservée se trouve à l’aéroport, soit à une bonne heure de route. Et les services du petit aéroport sont certainement tous fermés à cette heure avancée. La responsable de l’agence de location de voitures nous apprend d’abord qu’elle n’a plus aucune voiture libre au port. Nous sommes au désespoir, car nous ne voyons pas comment rejoindre notre logement, qui est lui aussi à une heure de route, dans une autre section de l’île. Mais, miracle, un client qui avait réservé une voiture pour 23 jours n’est pas descendu du traversier. Nous pouvons avoir cette voiture pour les 17 jours de notre réservation. Nous prenons livraison de la voiture, après que la responsable de l’agence nous ait prévenu de l’immanquable présence, avec ce vent furieux, de cailloux de toutes sortes sur la surface des routes de La Gomera

Mais, à peine quittons-nous San Sebastian, qu’il se met à pleuvoir. En quelques minutes, nous sommes en pleine tempête. Les essuie-glaces au maximum. Sur une route de montagne qui ne cesse de s’enrouler sur elle-même. Dans l’obscurité la plus complète. Sur des routes inconnues. Nous sommes très en retard sur l’horaire prévu. Et nous espérons pouvoir faire le contact avec notre propriétaire. Ce n’est rien de réjouissant. Nous atteignons le point de rendez-vous, un petit bar, perdu à un carrefour, et bien fermé à cette heure. Il pleut toujours à boire debout. Et le vent ne relâche pas. Nous téléphonons à Maria la propriétaire. Son mari vient nous rejoindre très rapidement et nous demande de le suivre. S’ensuit une stupéfiante montée par des chemins petits, pentues et tortueux, au-delà d’un barrage, toujours plus haut. Nous devons même nous arrêter devant un fil (électrique?) qui est tombé, puis rouler tout doucement sur ce fil. Nous arrivons enfin au sommet d’un button bien marqué. Nous y sommes. La pluie continue à se déverser. Il fait noir. La maison est humide. La plupart des fenêtres avaient été laissées ouvertes “pour aérer”; il y a donc des nombreuses feuilles sur le plancher de toutes les pièces, sans compter les flaques. C’est à ce moment que nous apprenons que la maison n’a pas l’Internet; nous serons donc sans contact pour les prochains huit jours. Ça ne va pas très bien ! Nous défaisons tranquillement nos bagages et nous nous installons. Nous nous occuperons du reste demain matin ! Nous branchons les deux chaufferettes, mais les fusibles sautent aussitôt; il faudra nous contenter d’une seule ! Au moins, nous sommes arrivés à destination !

Mercredi 28 février

À notre réveil, il n’y a pas d’électricité dans la maison. Et la colline sur laquelle notre maison (la Casa Esperanza) se trouve est secouée par des vents extrêmement forts. La couronne des grands palmiers qui l’entourent est constamment ballotée. Il y a certainement un lien entre la panne de courant, le fil tombé de la veille et les vents de cette tempête qui hésite à se terminer. La brume nous enveloppe tout à fait. Est-ce de la brume, ou plutôt des nuages ? La maison est, comme toutes les maisons des Canaries, construite pour une météo très clémente. En fait, elle laisse passer un peu de vent et pas mal d’eau par les fenêtres et les portes. Nous sommes un peu découragés.

Vers l’heure du midi, le temps se raplombe un peu. Et la visibilité s’améliore. Nous constatons que, en contrebas de la maison, il y a 2 grands orangers chargés de leurs fruits. Les vents violents ont fait tomber quelques centaines d’oranges. Probablement des fruits presque mûrs, qui n’ont séjourné au sol que depuis hier. La belle occasion. Je prends un seau de plastique, et je descends choisir les plus belles et les plus fermes. Je reviens avec environ 4 douzaines. Une belle perspective de bons grands jus d’oranges. Mais la mauvaise température ne nous permet pas d’apprécier le bel environnement montagneux de notre “maison sur la colline” située à presque 900 mètres d’altitude, juste à la limite de la laurisylve et du parc national de Garajonay qui couronne l’île.

Notre premier arrêt, nous le faisons au restaurant voisin (Restaurante del Roque Blanco) à 250 mètres, pour leur demander la permission de nous brancher au wifi du restaurant. Nous les assurons de notre clientèle. La serveuse qui nous répond accepte tout bonnement, sans imposer aucune condition.

Nous descendons ensuite à l’épicerie. Nous sommes dans le haut du village de Las Rosas, à mi-chemin entre les deux épiceries les plus proches. Nous choisissons d’aller à celle de Vallehermoso. De notre maison, nous dominons ce gros village situé à 2,5 kilomètres en ligne droite, mais c’est une cavale de plus de 15 kilomètres par la route bien sinueuse.

Avec la température qui s’améliore nous réalisons à quel point les paysages de La Gomera sont beaux et extrêmement découpés. Les falaises abondent. Les pentes sont toujours impressionantes. Nous pouvons même avoir, un moment, une vue sur l’île de Tenerife, et nous devinons les deux villages où nous avons passé les dernières semaines. Nous constatons aussi qu’il y a ici un réseau très dense de sentiers, qui nous paraissent vertigineux et bien marqués.

Nous retournons à la maison. L’électricité est revenue. Puis une fois les vivres bien casés, nous descendons dîner au restaurant. Nous sommes très bien accueillis par Estivalie, la jeune serveuse sympathique qui nous a répondu plus tôt. Nous faisons un magnifique repas, pour Louise du poulet aux oignons caramélisés avec des frites, pour moi une soupe de cresson (potaje de berros), des pois chiches au lard (garbanzas) et du boudin noir (morcilla). Les assiettes sont très généreuses, les prix raisonnables. La serveuse Estivalie nous offre des chupitos, des petites coupes qu’il est coutumier au Canaries d’offrir à la fin du repas, dans ce cas un mélange de rhum local et de miel de palma (du sirop de palmier, le sirop d’érable canarien). Agréable et très sucré. Nous utilisons le wifi du restaurant, afin de rafraîchir les données de nos tablettes. Jusqu’à ce que l’électricité manque.

Nous retournons donc à notre Casa Esperanza (la maison de l’espérance) sans électricité. Nous espérons seulement que les aliments frais que nous venons d’acheter ne seront pas affectés par cette situation. La tempête reprend autour du coucher du soleil. Et l’électricité ne revient qu’à 21 heures.

Jeudi 1er mars

Le vent a soufflé encore plus fort cette nuit. Les grands palmiers qui entourent notre maison ajoutent au concert nocturne. Le vent a ravagé les deux orangers situés en contrebas. Il ne reste que très peu d’oranges aux branches. La très grande majorité des fruits est au sol, couvrant certaines zones d’un tapis continu d’oranges, comme sur le tapis roulant d’une usine d’emballage. L’occasion est trop belle. Je repars à la “chasse” aux oranges. Nous pouvons nous faire chaque matin des jus de 4 ou de 6 oranges. La température demeure mauvaise. Et nous nous “encabanons”. L’électricité fait encore des siennes. Nous apprendrons plus tard que c’est tout le réseau électrique de l’île qui a été affecté par la tempête.

Vendredi 2 mars

Le temps demeure maussade à son meilleur, mauvais au pire. Il y des ondées fréquentes, qui ne durent pas toujours longtemps. Mais c’est quand même de la pluie ! Le soleil apparaît timidement à travers les nuages. Et il n’est pas rare qu’une fine bruine tombe pendant que le soleil paraît. Nous hésitons toute la matinée à partir randonner. La perspective d’être mouillés à répétition ne nous enchante pas. Il faut dire que nous sommes à 800 mètres, à la lisière de la couronne de laurisilva humide et épaisse qui occupe tout le centre de l’île. L’humidité fait donc partie de l’ordinaire !

Mais, vers midi, nous partons quand même. Notre objectif est de suivre la boucle du sentier numéro 39, qui passe sous nos fenêtres. Nous ferons un aller-retour d’une douzaine de kilomètres et 1600 mètres de dénivelé cumulé vers Vallehermoso, qui n’est pourtant qu’à 2,5 kilomètres en ligne droite et 500 mètres plus bas.

Pendant la descente, nous traversons de vastes zones de terrasses extrêmement pentues, presque toutes abandonnées, souvent envahies depuis longtemps par la broussaille et par la forêt. Nous longeons plusieurs maisons, quelques unes abandonnées, plusieurs à peine utilisées par des propriétaires absents, et de rares toujours occupées par des personnes âgées.

Le sentier de descente est plutôt difficile, mais les paysages encore humides compensent un peu. La pluie reprend de temps en temps. Une fois rendus dans la vallée, nous avons la mauvaise surprise de découvrir que le sentier se paie la fantaisie de grimper une crête latérale imposante, … et de la dévaler aussitôt.  Nous pique-niquons sur la place centrale du village.

Le ciel s’assombrit. Nous abordons la remontée avec la crainte du mauvais temps. À mi-chemin, il se manifeste clairement sous forme d’une pluie fine qui nous oblige à revêtir nos imperméables. Même si elle se fait sur un beau sentier bien construit, la fin de la remontée est plutôt misérable. Nous arriverons tout trempés à notre petite maison.

Samedi 3 mars

Au lever, c’est une belle journée qui nous accueille. Nous avons hâte d’oublier l’expérience maussade de la veille. Il faut dire que nous travaillons constamment à élaborer un échantillon de projets possibles. Nous identifions des randonnées dont les caractéristiques conviennent à nos désirs: longueur, dénivelé, localisation, type de terrain, accessibilité, possibilité de revenir à la voiture par un chemin différent. Puis, chaque soir, chaque matin, nous consacrons pas mal de temps à choisir la randonnée qui convient à la météo du jour. À cela s’ajoute que, dans les plus petites îles, la météo varie beaucoup sur de petites distances, selon l’altitude et selon l’exposition des vallées et des versants. Nous choisissons la randonnée selon tous ces critères.

Aujourd’hui, nous cherchons un randonnée qui nous donnerait de vastes points de vue, de préférence sur la mer. Le projet qui s’impose, c’est un parcours entre le Centre d’information du parc national et le village de Agulo. Nous laissons la voiture sur le parking de Juego de Bolas (lieu d’un ancien “jeu de boules”, même s’il n’y a pas là de trace d’une telle installation). Nous empruntons un sentier qui descend d’abord tout doucement sur une surface semi-désertique. Comme il fait très beau et que l’air est particulièrement sec, nous avons devant nous une magnifique vue sur l’île de Tenerife et sur le sommet du Teide qui la domine. Après tout, la côte de cette île n’est qu’à 35 kilomètres et le Teide à 55 kilomètres. en ligne directe.

Au bout d’une demi-heure, nous parvenons à un mirador moderne et étonnant, à accès  payant, une étape obligée sur le parcours des bus touristiques. Les visiteurs de ce Mirador de Abrante ne se pressent pas à un simple garde-corps donnant sur le précipice et le village de Agulo, 400 mètres plus bas, mais ils flottent plutôt au-dessus de cette muraille à l’intérieur d’un corridor de verre en saillie sur sept mètres de long avec un sol en verre. Pour les courageux ! Nous passons outre et contemplons ce même paysage en descendant le sentier.

Nous longeons brièvement un de ces si nombreux réservoirs d’eau (les presas) construits partout dans le paysage canarien pour retenir les eaux des pluies et des sources pour la saison sèche. Puis, une surprise nous attend. Nous parvenons à la limite d’une falaise verticale dominant Agulo, qui nous paraît impossible à franchir. Le coeur palpite. Le paysage nous fait peur, mais il nous attire aussi. Heureusement, des générations de paysans ont résolu ce problème. Ils nous ont laissé un sentier, abrupt et étroit, mais transitable. Avec courage, nous nous avançons, pas à pas. La plupart du temps, le sentier nous paraît être un cul-de-sac; on n’aperçoit que les prochains mètres. Le sentier ne semble pas avoir d’issue. Mais, à chaque fois, le même miracle se produit: une nouvelle section apparaît. L’avancée est délicate. Il faut à tout moment assurer nos pas. Pas question d’une glissade ou d’une chute. Aussi bien construit soit-il, le sentier est suspendu à la falaise. Et le vide est toujours là. Il faut effectuer un arrêt de la progression pour savourer le paysage: le village qui se rapproche petit à petit, la mer, l’île de Tenerife au loin.

Nous finissons par arriver à Agulo. Nous traversons le village (que nous avions déjà visité la veille en auto) et nous nous rendons jusqu’au cimetière, situé à sa limite. C’est là, sous un pin, que nous pique-niquons. Pendant cette pause d’une trentaine de minutes, nous pouvons constater que beaucoup de gens visitent le cimetière, pour se recueillir, pour nettoyer des tombes, pour remplacer des fleurs.

Nous reprenons la route par un ancien chemin muletier très bien pavé qui longe la mer et s’élève graduellement (mais avec une pente bien soutenue quand même) en direction du plateau d’où nous sommes partis. Nous ne cessons de nous ébahir de la beauté des lieux, de la diversité de la végétation. Nous constatons également l’effort déployé par les anciens canariens dans l’aménagement de leurs chemins traditionnels. Tout le long de notre montée, nous longeons soit d’implacables falaises, soit des cultures maintenant abandonnées sur des terrasses très abruptes. La terre cultivable était rare dans ces temps. Les terrasses sont minuscules et d’un accès difficile; la terre est pauvre. On peut comprendre que la vie traditionnelle était ardue. Et on ne s’étonne pas qu’il y ait eu un tel courant d’émigration vers Porto-Rico d’abord, puis vers Cuba et plus récemment vers le Vénézuela.

Dimanche 4 mars

Il continue de faire beau. Pour nous, c’est le moment de faire une première excursion sur les sentiers du parc national de Garajonay, qui occupe toutes les terres les plus hautes de l’île. C’est là que se concentre la laurisylve, cette sombre et impénétrable forêt de lauriers et de mousses qui profite de la “pluie horizontale” que les nuages créés par les alizés déposent sur les hauteurs des îles.

Nous passons d’abord par Hermigua, ce gros village que nous avons déjà traversé dans le tumulte atmosphérique de la nuit de notre arrivée sur La Gomera. Puis nous continuons sur des routes tortueuses et escarpées vers les hauteurs. Nous arrivons à un mirador où nous devrions prendre un chemin secondaire vers El Cedro, qui devrait être le départ de notre randonnée. Or, ce qui se présente à nous, c’est un chemin plutôt étroit qui pénètre dans l’épaisse forêt. Une seule voie. Et pas d’indication vraiment précise de la destination. Est-ce un chemin public ? Ou plutôt un accès privé ? La surface pavée méticuleusement composée de pierres naturelles nous laisse croire à cette seconde possibilité. De même que l’absence de trafic. Mais la carte routière est claire: c’est le bon chemin ! Nous nous y engageons, à très basse vitesse, avec la crainte de rencontrer un autre véhicule. Au fur et à mesure de notre avancée nous prenons confiance, nous rencontrons deux voitures sans encombres, nous croisons des sentiers bien identifiés et signalisés, puis nous nous arrêtons sur le stationnement d’une sorte de camp de vacances, pour l’instant désert et inactif.

Nous sommes en plein dans la zone de la laurisilva, la dense et humide forêt des hauteurs canariennes. Nous nous engageons sur un ample sentier forestier, sous le couvert presque opaque de cette épaisse forêt. Le sol est jonché de branches, petites et grosses, qui ont été arrachées par la tempête récente. Nous atteignons éventuellement une petite chapelle, appelée Ermita de Lourdes, construite en pleine forêt par une catholique anglaise ayant longtemps vécu à La Gomera. Le lieu semble attirer les randonneurs, qui arrivent de toutes directions. Il attire aussi les oiseaux qui paraissent avoir bien compris que les pique-niqueurs sont une bonne source de délices. Nous y trouvons une étrange source qui jaillit simplement du tronc d’un arbre bien vivant; comme il n’y a pas de tuyau apparent, nous ne parvenons pas à expliquer le phénomène.

Nous continuons la randonnée vers le village de El Cedro, et traversons des zones rurales adjacentes au parc où les petites maisons traditionnelles semblent maintenant être transformées en résidences secondaires. Nous nous perdons un peu, mais un gentil couple nous remet rapidement sur la bonne route.

Il est encore tôt, et nous décidons de descendre à San Sebastian, la “capitale” de l’île, que nous n’avions que traversé dans la tempête le soir de notre arrivée. C’est là que nous pique-niquons. La ville, qui est la capitale de l’île, est toute petite. Nous faisons le tour de son centre, nous rendant jusqu’au port et à la minuscule plage. Mais il ne nous en reste pas un si grand souvenir.

Lundi 5 mars

Ce matin, il faut croire que le beau temps est bien arrivé. Le soleil est bien là. Tellement que nous décidons de randonner sur les hauteurs de l’île, dans le parc national. Nous voulons laisser l’auto à la Laguna Grande et randonner jusqu’à El Alto de Garajonay, le sommet le plus élevé de toute l’île (1487 mètres). Cette partie de l’île est d’une richesse et d’une beauté tellement particulières qu’elle est aujourd’hui gérée en tant que parc national. Il est d’ailleurs surprenant que les Canaries possèdent 4 des 15 parcs de tout le territoire de l’Espagne. Une étonnante concentration. c’est remarquable qu’un si petit territoire possède autant de richesses naturelle. Pour nous, c’est une partie fort intéressante de notre expérience canarienne.

Nous empruntons une route secondaire qui relie presque directement notre vallée à la Laguna Grande. La route n’est pas bien large et elle s’enfonce rapidement dans la forêt. Cela nous empêche de réaliser qu’elle suit une longue arête entre deux vallées profondes. Nous sommes donc le plus souvent suspendus entre deux abîmes, sans vraiment le réaliser tellement la forêt est dense. Il fait tellement sombre qu’il devient sage d’allumer les phares de la voiture.

Nous arrivons à la Laguna Grande, une jolie clairière aménagée en un de ces lieux de pique-nique tellement appréciés par les Canariens. Elle porte ce nom de “grand lac” parce que le centre la clairière retient l’eau lorsqu’il pleut trop fort. L’endroit était déjà connu un lieu de loisir du temps des habitants originaux de l’île, les Guanches. D’ailleurs, il faut noter que les sept ou huit sociétés qui occupaient anciennement l’île avaient convenu de diviser l’île de manière radiale, en pointes de tarte, qui se rejoignaient sur les plus grandes hauteurs de l’île comme lieu pour les loisirs, les rencontres et les manifestations religieuses.

Nous consultons un garde-parc à propos de notre projet de rallier l’Alto de Garajonay depuis la Laguna Grande. Il nous confirme que c’est faisable en une journée moyenne. Mais il nous le déconseille quand même ! Pourquoi ? Parce qu’un incendie de 2012 a endommagé la forêt le long de ce parcours. Il nous convainc même de nous limiter au seul sommet de Garajonay. C’est à contre-coeur que nous nous déplaçons donc.

La montée au Garajonay est facile. Un bon chemin bien pavé (qui donne accès aux tours de communication civiles et militaires) doublé d’un bon sentier. Mais il y a beaucoup de monde. Même des petits enfants. C’est l’invasion touristique ! Par contre, le lieu est très beau, avec la reconstitution du tertre des manifestations religieuses de toutes les tribus guanches de l’île. Il fait très beau et la vue est superbe, donnant sur les 3 îles les plus proches (Tenerife à 45 kilomètres, La Palma et El Hierro à 70 kilomètres); on peut même deviner la silhouette de la Gran Canaria (à plus de 140 kilomètres).

Au cours de cette montée, l’état de la forêt ne nous paraît pas aussi catastrophique que ce qu’annonçait le garde-parc. Nous décidons donc d’effectuer la randonnée prévue, mais à l’envers, et de joindre ainsi la Laguna Grande. C’est vrai que la vieille forêt sombre et humide a été très endommagée et qu’elle n’a plus la même densité. Mais la végétation est déjà bien en train de se rétablir et le paysage est intéressant. Le premier kilomètre de sentier nous fait toutefois presque déchanter en raison de l’abondance de branches et de troncs tombés au cours de la  tempête encore toute récente. Nous avançons avec difficulté à travers ces obstacles. Heureusement, le parcours du sentier emprunte bientôt de paisibles chemins forestiers où ces dégâts ne nous affectent pas autant. C’est ainsi que nous atteignons la Laguna Grande, où nous pique-niquons.

Nous retournons sur nos pas par un chemin différent. Nous entendons rapidement le “doux son” des scies à chaîne; nous croisons bientôt deux équipes d’employés du parc qui nettoient sentiers et chemins des dommages de la tempête.

Mardi 6 mars

Il fait très beau aujourd’hui. Mais Louise décide de s’octroyer une journée de congé, question de se reposer un peu. Je choisis pour ma part de faire un circuit d’environ 4 heures, en utilisant un sentier en boucle qui passe juste à côté de notre maison, le sentier numéro 36. Ça commence avec une montée dans la forêt épaisse contre laquelle notre maison est adossée. La randonnée commence un peu mal, avec un petit problème de signalisation, ce qui révèle le faible achalandage de ce sentier. Tout se corrige vite. C’est un montée très intéressante, dans une minuscule vallée, toute étroite et pentue, naguère cultivée. C’est ainsi que je grimpe en succession des dizaines de minuscules terrasses maintenant occupées par une forêt dense. Cela donne une majestueuse impression, en particulier dans le clair-obscur de la forêt.

Le sentier débouche (autour de 1050 mètres) sur la route de crête que nous avons empruntée la veille pour atteindre le parc de Garajonay. Cette montée m’intéresse particulièrement parce que les robots de Google Maps nous l’avaient indiquée comme la route à prendre pour relier l’aéroport à notre maison la semaine précédente. Nous pouvons imaginer notre consternation une fois arrivés face au chemin non carrossable qui nous avait été suggéré. Clairement, ces robots ont interprété l’alignement de ce sentier comme  comme un chemin où d’une route, alors que relier les deux extrémités (décalées de 300 mètres en altitude) d’un tel sentier sur une aussi courte distance serait géométriquement impossible.

Le sentier continue le long de la route secondaire, quelquefois juste à côté, mais le plus souvent à quelque distance. Je m’arrête quelques instants au mirador du Lomo del Dinero. De là, la vue embrasse pratiquement la totalité du parc national, qui couronne les hauteurs de l’île. En avant-plan, ce sont des profondes vallées tapissées d’une épaisse forêt de laurisylve, qu’aucun aménagement touristique ne trouble. C’est ici que les centaines d’espèces endémiques de plantes et d’organismes vivants de l’île peuvent maintenir leur vie habituelle.  Je m’arrête pour savourer la beauté de cette épaisse couverture végétale.

Le sentier cesse bientôt de longer la route et quitte l’arête. Je longe un magnifique chemin inutilisé, recouvert d’un épais et confortable tapis végétal, jusqu’à ce qu’il atteigne un petit barrage. Les Canaries sont truffées de ces barrages (les presas) destinés à collecter et retenir l’eau d’irrigation. Je longe ensuite de monumentales terrasses abandonnées, que plus personne ne cultive. Cela me ramène au grand barrage de Amalahuigue qui occupe le bas de la vallée où nous sommes installés.

Je remonte ensuite vers notre maison à Cruz de Tierno par une chemin secondaire parallèle à celui que nous prenons d’habitude; beaucoup plus étroit et sinueux. Je vois des orangers un peu partout. Certaines propriétés en ont quelques dizaines. Mais nulle part on semble ni s’en préoccuper ni cueillir les fruits. Ainsi, des milliers d’oranges secouées par la récente tempête jonchent le sol, formant souvent un tapis compact. Je découvre aussi quelques grands palmiers sur lesquels sont appuyés de longues échelles, certaines dépassant les 25 barreaux. La plupart ont aussi des seaux suspendus. J’en conclus que ces palmiers sont exploités d’une manière ou d’une autre. Je comprendrai quelques jours plus tard que ces installations permettent l’extraction du sirop de palmier, qu’on appelle en espagnol miel de palma.

Mercredi 7 mars

Pour cette journée, Louise propose deux idées de randonnées. L’une est dans la vallée de Vallehermoso, l’autre à l’ouest de Hermigua. Toutes deux sont assez longues, avec des dénivelés significatifs. Il faut dire qu’ici à La Gomera des dénivelés cumulés de 1200, 1600 ou même 2000 mètres pour une seule journée de randonnée sont très courants. Aussi, rares sont les randonnées faciles, avec peu de dénivelé, sauf dans les forêts des hautes terres du parc national.

Nous choisissons la randonnée qui se trouve le plus loin de notre prochain logement, nous disant que nous aurons plus facilement l’occasion de réaliser l’autre pendant la seconde partie de notre séjour. Cette randonnée est une boucle dans une région jadis habitée et cultivée, mais qui demeure aujourd’hui essentiellement abandonnée.

Nous garons la voiture au centre du village de Hermigua, près de l’église, et surtout plus près de la fin de la randonnée. Puisque le départ de la montée se trouve près de la mer, nous descendons la rue principale du village, en direction de La Playa. Encore une exagération ! Aux Canaries, l’usage du mot playa (plage en français) s’avère plutôt fantaisiste. Dans notre esprit québécois, une plage est une étendue de sable (ou, à la rigueur, de fin gravier) en bordure de mer ou d’un lac. Mais aux Canaries c’est le plus souvent une mince accumulation de gros cailloux contre lesquels la mer se déchaîne et même, à l’occasion, un large banc de tels gros cailloux le long d’un torrent de montagne. En nous approchant de la plage, nous prenons un raccourci à travers une zone de bananeraies; mais cet écart nous oblige à passer deux fois la petite rivière de fond de vallée à gué !

Nous grimpons depuis le quartier Los Pedacitos. Le sol est gris, sec et poussiéreux. Nous passons un col, puis nous descendons vers la Playa de la Caleta (la plage de l’anse) et bifurquons sur un sentier à flanc de coteau vers la pointe San Lorenzo. Nous remontons vers les Casas del Palmar (les maisons de la palmeraie) où les traces d’agriculture abandonnée sont multiples. Puis, nous revenons tranquillement vers Hermigua, en passant par El Moralito, un hameau déserté, enserré au fond d’une petite vallée, et aujourd’hui occupé seulement par 2 ou 3 maisons transformées en résidences  secondaires. Cette randonnée nous plaira beaucoup en raison de la grande variété de paysages.

Jeudi 8 mars

Aujourd’hui nous quittons “notre petite maison dans la montagne” pour déménager à Alojera. Sur La Gomera (comme sur Tenerife) il a fallu partager notre séjour entre deux maisons distinctes. En effet, il était beaucoup plus difficile de trouver sur AirBnB (à notre prix, bien sûr) des logements libres pour 15 ou 20 jours d’une traite.

Nous ne nous déplaçons que de 9 kilomètres en ligne droite, mais cela requiert un voyage de 30 kilomètres par la route sinueuse. Nous allons à Alojera, qu’il ne faut pas confondre avec Alajero. Bizarrement, sur une île aussi petite que La Gomera, il existe à 30 kilomètres de distance l’un de l’autre deux villages qui portent des noms presque identiques. De la même manière, à Lanzarote, deux villages voisins (Teguise et Teseguite) portent des noms confondants. Aussi il y a une ville appelée Telde sur Gran Canaria, alors que le grand sommet de Tenerife s’appelle Teide. Un manque d’imagination, peut-être. Et même, à La Gomera, deux villages portent le même nom de Taguluche; heureusement l’un est présentement abandonné.

Comme nous supposons que les ressources d’un village aussi petit que Alojera doit être minimale, nous nous arrêtons en passant à une des épiceries de Vallehermoso. Au moment de quitter la route périphérique de l’île pour nous engager sur la route secondaire d’Alojera, nous constatons avec un peu d’inquiétude que la descente vers Alojera est très à pic, sur une route étroite aux multiples lacets.  Cette route, que nous utiliserons chaque jour de notre séjour, prend 20 minutes d’une conduite très attentive. Heureusement, à chaque nouvelle fois, elle nous paraîtra un peu plus facile.

Nous sommes reçus très chaleureusement par notre propriétaire Clary (Clara) et son mari Manuel (Manolo). Clary nous invite à venir prendre un verre chez elle, juste à côté, une fois nos bagages déchargés et les aliments rangés au frigo. Leur chez-soi, c’est un terrain avec un grand potager et une « forêt » un peu sauvage d’arbres fruitiers divers (avocats, papayes, bananes, amandes,…) avec, tout au fond, une cabane très élémentaire où ils peuvent cuisiner, manger, prendre le soleil. Ils partagent leur temps entre Hermigua où se trouve leur maison principale et ce terrain à Alojera d’où est originaire Clary; lorsqu’ils sont ici, ils utilisent aussi la maison des parents de Clary pour dormir et faire leur toilette.

Nous passons un long moment à leur potager, où Manolo nous vante les mérites du climat local (où il peut produire trois, quelquefois quatre, récoltes par année) et de l’excellence des aliments produits artisanalement. Pendant ce temps, il nous charge les bras d’oignons, de verdures, d’épinards, de laitue fraîchement tirés de terre. Nous nous approchons de la cabane où la conversation passe aux avocats, aux papayes, aux ananas, aux oranges.

Clary a préparé une petite collation: de gros avocats à la chair aussi onctueuse que du beurre, du saucisson, du fromage et un magnifique vin blanc local tout frais tiré. La conversation est franche et très amicale. C’est évident que nos deux propriétaires aiment les gens. Ils aiment connaître des étrangers. Mais ils sont déçus que bien peu de leurs clients-visiteurs puissent parler espagnol, la seule langue qu’ils connaissent.

Le temps passe. Nos hôtes, qui doivent partir pour Hermigua en fin d’après-midi, nous invitent à partager ce qui est à La Gomera l’incarnation du repas simple et rapide, soit des frites et des œufs … frits. Ce qui n’empêche pas de partager d’autres avocats et une seconde bouteille de ce même bon vin. Nous terminons la journée par une petite visite à la “plage” de Alojera.

Vendredi 9 mars

La température est assez moyenne. Mais, forts du commentaire ostentatoire qu’avait fait Manolo la veille qu’il n’y avait jamais de journées sans soleil à Alojera, nous décidons d’effectuer deux courtes randonnées faciles dans la forêt profonde, la “laurisilva” du parc national. Après la remontée de la route d’Alojera, nous entrons dans une partie encore inconnue du parc. Le temps y est moins bon qu’à Alojera. La brume est très dense, donnant à la forêt serrée et moussue des allures étranges, dignes des meilleurs films d’horreur. Nous effectuons les randonnées appelées Cañada de Jorge et Las Creces. Des randonnées confortables en bonne partie sur des chemins forestiers. Le sol est couvert des feuilles et des branches arrachées par la tempête de la semaine précédente. Nous revenons assez tôt à notre logement, pour y retrouver le soleil.

Samedi 10 mars

Aujourd’hui, nous avons un projet de randonnée remarquable, que nous avons découvert grâce aux photos de Google Earth. Il s’agit d’un sentier qui relie Alojera au village de Arure en empruntant une corniche de la grande falaise qui les sépare. Comme cette randonnée ne semble pas figurer comme telle dans les guides, nous décidons de raccourcir la distance en ne partant pas de notre appartement, mais plutôt d’un col sur la route menant au village voisin de Taguluche.

Une fois sur place, nous avons la surprise de constater que notre projet ne sera pas vraiment risqué, puisque ce sentier fait partie du sentier GR du tour de l’île. Nous partons donc en toute confiance. La rencontre d’un jeune randonneur allemand venant en sens inverse nous confirme que le parcours ne sera pas difficile. Nous grimpons franc vers la muraille, et arrivons bientôt à la corniche. La vue est extraordinaire. La mer, l’île de La Palma au loin, la vallée de Alajero, et celle du village voisin de Taguluche, la muraille de basalte qui nous surplombe à la gauche. Et le vide toujours présent à notre droite. C’est encore tôt dans la journée. Nous sommes fréquemment dans l’ombre, dans la fraîcheur du matin, qui contribue à la limpidité de l’air.

La randonnée s’effectue facilement. Et plus rapidement que ce que nous escomptions. Si bien que nous atteignons le Mirador du Saint et le village de Arure plus vite que prévu. Il est trop pour y pique-niquer, en fait. Nous constatons que ce village pourrait être le départ d’autres randonnées intéressantes. Mais elles seraient trop longues pour les combiner avec celle de ce jour. Il faudra revenir.

Nous choisissons de prendre un chemin différent (et plus long) pour le retour, soit la descente par l’un des deux sentiers qui mènent vers Taguluche. Sitôt engagés sur cette descente marquée de plus de 500 mètres, nous constatons qu’il faut passer de corniche en corniche par des descentes étourdissantes. L’une de ces descentes s’effectue par ce qui nous semble être une “échelle de pierre”. Nous descendons en fait une faille verticale où de nombreuses pierres ont été astucieusement empilées et bloquées afin de créer une sorte d’escalier très abrupt aux marches très peu profondes. Toute une expérience, quand on sait que la moindre erreur de notre part entraînerait une très sérieuse chute. Sur ce sentier, la progression est donc très lente. Il nous faut pleine concentration.

Nous finissons par atteindre quelques maisons du haut du village de Taguluche, autour de 400 mètres. Nous ne sentons pas le désir d’explorer ce village jusqu’à la mer. Nous préférons prendre un sentier qui remonte obliquement vers le col où se trouve notre voiture. Très rapidement, nous longeons une petite palmeraie où un grand nombre de simples échelles sont appuyées contre bon nombre d’arbres. Visiblement, la palmeraie est exploitée pour la production de sirop de palmier. Je ne peux résister à grimper au sommet d’une de ces échelles pour jeter un coup d’oeil. Au sommet de l’arbre, plusieurs des ramures ont été retirées pour permettre une large entaille sur toute la surface du tronc; on y installe une sorte de gouttière végétale, qui dirige la sève du palmier vers un seau de plastique. Une belle comparaison à faire avec nos érables. Nous apprendrons plus tard que ces vallées du nord-ouest de La Gomera sont le centre de cette production pour tout l’archipel.

Nous continuons notre marche. Nous traversons un petit cours d’eau où l’humidité ne manque pas. Un contraste agréable avec la sécheresse environnante. C’est le lieu choisi par un agriculteur pour établir un magnifique petit vignoble, très bien ordonné, très bien taillé. Ce vignoble fait contraste avec l’aspect presque sauvage des nombreux vignobles familiaux que nous croisons. Nous continuons notre remontée. Un arrêt à l’extérieur du petit cimetière de Taguluche, pour pique-niquer. Les cimetières des Canaries sont toujours des lotissements encerclés par de hauts murs de pierre blanchis à la chaux, situés bien en dehors des villages. Nous terminons la remontée, et retrouvons notre voiture.

Dimanche 11 mars

Notre randonnée du jour précédent nous a mené à Arure. Nous avons alors réalisé que bien d’autres sentiers rayonnaient de ce petit village. Les photos de Google Earth nous ont convaincu d’explorer un large plateau dominant la mer et la vallée du Valle Gran Rey, qui s’appelle La Merica. Pour l’atteindre, nous longeons une crête qui nous donne de magnifiques vues de chaque côté. Nous longeons un aqueduc, naguère important, mais maintenant délaissé. Nous sommes dans un endroit privilégié pour l’élevage de brebis et de chèvres. Puis nous arrivons sur ce large plateau en pente douce, qui a été laborieusement divisé en larges planches (je n’ose pas dire des “terrasses” puisque la pente est si douce) où la culture des céréales a dû être très intensive.  

Lundi 12 mars

Aujourd’hui, c’est congé de marche pour tout le monde. Nous allons passer la journée à la ville de Valle Gran Rey située juste à côté, à 9 kilomètres en ligne droite, mais à 30 kilomètres (et 50 minutes) par la route. Nous avions entendu parler de cet endroit, qui est tellement prisé par la clientèle touristique allemande que c’est leur langue et leurs coutumes qui animent la petite ville. L’espagnol y fait souvent office de langue secondaire.

Nous effectuons une longue visite de l’agglomération, et constatons qu’il s’agit bien d’une station balnéaire classique, où les hivernants séjournent plusieurs mois, et se recréent un petit monde, surtout allemand dans ce cas.

Congé de pique-nique aussi. Nous dînons au restaurant Trasmallo, qui nous avait été recommandé. Nous choisissons le menu du jour. Soupe de poisson. Puis une assiette de poissons qui s’avère plutôt un immense plateau de poissons et de fruits de mer (sardines, thon, deux sortes de poissons blancs, petites crevettes, gambas, moules) servi avec les papas arrugadas typiques (les petites “patates ridées”, cuites à l’eau très salée). Nous mangeons à pleine satiété, et les restes que nous rapporterons nous permettront deux autres repas. Le repas se termine par des glaces, dont une au gofio, cette ancestrale farine grillée (blé, maïs, millet), base de l’alimentation traditionnelle canarienne.

Mardi 13 mars

Il continue de faire beau. Nous décidons d’explorer le second sommet de l’île (1241m), “La Fortaleza” (la forteresse). Il s’agit d’un plateau de sommet, qui a longtemps assuré la fonction d’un centre religieux pour les populations préhispaniques, au même titre que El Alto de Garajonay. C’est une excursion courte et facile, sauf un court passage plus délicat. La randonnée est fort intéressante, avec des vues palpitantes sur les hauteurs et sur les barrancos environnants.

Mercredi 14 mars

Jour de repos pour Louise. Je décide de faire une tournée d’exploration du versant au nord de Alojera. Je choisis un itinéraire qui sera varié, même si un peu long. Je quitte Alojera par un petit chemin local qui s’engage dans une vallée parallèle, celle de Tazo. J’y croise quelques fermes anciennes aujourd’hui habitées par des gens que Manolo appelle des hippies. En effet, les lieux sont attirants pour des marginaux: bon climat, maisons abandonnées faciles à acquérir, isolement relatif. La vallée est couverte de palmeraies, le plus souvent activement exploitées pour la production du sirop de palme. En fait, j’apprendrai plus tard que la localité est encore aujourd’hui le centre de la production de ce délice canarien.

Je continue l’excursion plus loin, au-delà de cols vertigineux, en direction de Arguamul, un village encore très traditionnel établi sur une côte aux pentes extrêmement raides. Par exemple, l’accès à la partie basse du village implique une descente de 350 mètres sur un chemin de 1700 mètres qui se développe en 20 lacets. Des vues extraordinaires sur la mer, sur les vagues immenses qui se brisent contre le rivage, sur l’île de La Palma au loin, sur les falaises qui dominent le village.

Je continue en grimpant jusqu’à l’arête, arrivant à la chapelle de Santa Clara. J’y pique-nique dans un petit sous-bois. Puis je longe le chemin qui y mène, suspendu au-dessus de la vallée. Je choisis ensuite un ancien sentier qui grimpe doucement au faîte de la ligne de montagne. J’arrive au carrefour d’où part la route de Alojera, continue un peu en direction des sources de Chorros de Epina, puis je m’engage dans le grand sentier qui déboule vers Alojera. En tout, c’est une excursion de plus de 7 heures, et d’une vingtaine de kilomètres, menée d’un bon pas. Ce que la magnifique température et l’excellence des sentiers me permettait.

Jeudi 15 mars

Notre plan pour cette journée maussade est de randonner sur les hauteurs, pour tenter de dépasser les nuages. Mais les hauteurs sont “bouchées”. Nous attendons quelques heures avant de nous lancer. Entretemps, nous visitons le centre d’interprétation du miel de palma, où nous avons l’entière attention de la responsable qui nous explique tous les aspects de cette production traditionnelle. Elle élabore aussi, avec beaucoup d’intelligence, sur toute la culture propre à La Gomera.

Le temps ne s’améliore pas vraiment, mais nous décidons de monter vers les hauteurs, pour tenter de trouver un peu de beau temps. Mais, au lieu d’une amélioration des conditions, c’est plutôt le début d’une pluie forte. Nous revenons donc pique-niquer à la maison. Nos propriétaires, Clara et Manolo, nous invitent à prendre un verre avec eux. Nous passons un très bon moment avec eux.

Vendredi 16 mars

C’est la journée de notre déménagement vers l’île de La Palma. Nous nous rendons au petit aéroport (une très belle infrastructure, pour seulement 2 vols quotidiens). Un vol vers Tenerife-Nord, une courte escale puis un second vol vers Santa Cruz de La Palma. Un autre Santa Cruz !

 

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