Mon "scrapbook", tout simplement

Avec Danaé – Oaxaca

Plus d’un an avant ce voyage, Danaé avait clairement manifesté le désir de visiter les Cités d’Or, qu’elle avait tant appréciées dans les émissions enfantines dessinées appelée Les mystérieuses Cités d’Or. L’action de cette série se passait vraisemblablement chez les Incas, peu de temps après l’apparition des Espagnols. Les personnages principaux étaient deux enfants, l’Espagnol Esteban et la princesse Inca Zia. En clair, Danaé voulait voir des sites préhispaniques.

Louise et moi avons considéré plusieurs possibilités, dans toute l’Amérique latine. Cuzco et Machu Pichu ? Trop long vol, trop achalandé et peut-être trop cher. Le Yucatan avec Tulum et Chichén Itzá ? Plus proche, plus accessible, mais trop chaud et des distances routières trop grandes. Notre choix est vite tombé sur Oaxaca, pas trop éloigné, avec des sites remarquables comme Monte Albán et Mitla, une cuisine renommée.


Photos de toutes les pages du journal de Danaé

Afin de faciliter la lecture des couleurs trop pâles, la  transcription intégrale du texte du journal de Danaé figure en légende de chacune des photos.


 

Les photos de Danaé


Le journal de Jean-François

Plus d’un an avant ce voyage, Danaé avait clairement manifesté le désir de visiter les Cités d’Or, qu’elle avait tant appréciées dans les émissions enfantines dessinées appelée Les mystérieuses Cités d’Or. L’action de cette série se passait vraisemblablement chez les Incas, peu de temps après l’apparition des Espagnols. Les personnages principaux étaient deux enfants, l’Espagnol Esteban et la princesse Inca Zia. En clair, Danaé voulait voir des sites préhispaniques.

Louise et moi avons considéré plusieurs possibilités, dans toute l’Amérique latine. Cuzco et Machu Pichu ? Trop long vol, trop achalandé et peut-être trop cher. Le Yucatan avec Tulum et Chichén Itzá ? Plus proche, plus accessible, mais trop chaud et des distances routières trop grandes. Notre choix est vite tombé sur Oaxaca, pas trop éloigné, avec des sites remarquables comme Monte Albán et Mitla, une cuisine renommée.

Jeudi 7 mars

La première journée complète est consacrée à la suite des trois vols vers Toronto, México et Oaxaca. Le premier vol étant à 6 heures du matin, tout le monde est levé à 3 heures, Marc-Antoine nous prend vers 4 heures et nous arrivons à l’aéroport un peu avant 4h30. Nous sommes un peu trop tôt, d’autant plus que le vol de WestJet est presque vide. Bien que Danaé ait déjà pris l’avion avec ses parents, elle n’avait alors que 5 ans, et ne s’en rappelle plus vraiment. C’est donc une sorte de baptême de l’air pour elle. Elle sursaute à la très vive accélération du premier vol, au départ de Québec. Mais elle prend vite un grand intérêt à observer le paysage par son hublot. Et nous sommes justement choyés par la météo et le temps très clair.

Une première escale à Toronto, où Danaé nous démontre tout de suite son grand talent à suivre les affiches et à nous guider jusqu’à l’autre extrémité du terminal 3 vers notre vol AeroMexico. Nous découvrons à ce moment qu’on nous a attribué trois places séparées. Heureusement, la collaboration d’une jeune passagère permettra de déplacer Louise et Danaé à des sièges adjacents.

Une seconde escale à México, au terminal 2, très vieillot et très mal aménagé. Le passage à l’immigration est long et désorganisé. Comme le petit déjeuner a été servi dès le départ de Toronto, nous sommes affamés. Nous ne trouvons pas de restaurants, que des comptoirs de bouffe-rapide. Nous devons nous en accommoder. Le dernier vol est plusieurs fois déplacé d’une porte d’embarquement à une autre, mais nous finissons par décoller vers Oaxaca presque à l’heure.

Nous avons le plaisir de faire une longue approche à l’aéroport en faisant le tour de la magnifique vallée de Oaxaca, sous la riche lumière du soleil couchant. L’arrivée dans ce petit aéroport est facile, d’autant plus que nos bagages sont parmi les premiers à apparaître. C’est chaque fois un petit miracle que de retrouver à destination ces bagages qui ont trouvé le moyen de nous suivre ! Un minibus nous mène à notre hôtel, le Parador del Dominico (l’Auberge du Dominicain). Une chambre correcte au second étage, qui sera notre base pour les prochains huit jours. Je fais un petit saut vers la toute proche succursale de la banque HSBC pour retirer des pesos. Puis nous allons à la petite Taqueria Roy, juste à côté, qui nous dépannera quelques fois lors de notre séjour pour un repas simple et rapide. Danaé est heureuse de manger des tacos à la viande et au fromage.

Vendredi 8 mars

Le petit déjeuner est inclus dans le prix de la chambre. Louise et moi gardons un excellent souvenir des déjeuners mexicains dégustés pendant un voyage effectué en 2014 dans les villes coloniales au nord de Mexico. Il faut dire que le déjeuner est au Mexique un authentique repas, très copieux, pris tardivement, le plus souvent après 10 heures, quelquefois plus tard encore. Nous sommes donc un peu déçus du déjeuner américain proposé ici, beaucoup moins abondant et imaginatif. Ce sera notre déjeuner de tous les jours : verre de jus ou assiette de fruits, œufs brouillés au jambon ou au bacon mexicain (tocino) avec purée de fèves, pain, beurre, café. C’est un déjeuner plus simple mais bon. Par bonheur, Danaé l’aime beaucoup. Pour elle, il y a la spécialité de la région, le chocolat chaud, à l’eau ou au lait à son goût, selon les jours.

Nous partons vers la place centrale, le Zócalo, situé à moins de dix cuadras (pâtés de maison). C’est l’occasion d’observer tous les détails de la vie quotidienne et de la nature qui sont nouveaux pour Danaé.

Nous faisons le tour du Zócalo, et constatons qu’il est moins remarquable que d’autres places centrales mexicaines. Nous visitons plusieurs marchés qui sont tous situés dans le même secteur du centre. D’abord le marché Benito Juarez (du nom d’un président célèbre natif de Oaxaca) avec son mélange de boutiques alimentaires et d’artisanat. C’est là que j’achète un petit sac des excellents chapulines, ces sauterelles sautées au piment, que Danaé ne se résout pas à goûter. Nous passons ensuite au marché du Vingt-Novembre, qui regroupe surtout des restaurants et casse-croûtes. C’est pour Danaé un premier contact avec la cuisine oaxacane. Puis nous passons au marché voisin des Artisans.

Nous revenons dîner au marché du Vingt-Novembre, où nous trouvons une excellente cantine. Chacun y va à son goût. C’est là que nous découvrons les tlayudas, ces très grandes tortillas frites qui servent de base à une sorte de pizza locale regorgeant de viande, de fromage, de piments, d’oignons, de palettes de cactus et d’autres délices.

Nous revenons tranquillement à l’hôtel, pour permettre à Danaé d’écrire son journal quotidien, sous la direction de Louise. Cette séance d’écriture et de dessin prend beaucoup de temps, mais le résultat est fort intéressant. Nous sortons pour le repas du soir.

Samedi 9 mars

Ce second jour, il n’est pas question d’attendre plus longtemps avant de faire la visite du principal site qui nous amène à Oaxaca : Monte Albán.
Ce site très important a été abandonné autour de la Conquête espagnole, il y a 500 ans. Mais il avait alors été occupé pendant presque 2000 ans comme la capitale d’abord de l’empire zapotèque, puis ensuite de l’empire mixtèque. Il était essentiellement réservé aux fonctions politiques les plus cérémoniales. Il s’avérait un centre du pouvoir. Sa position, au sommet d’une grosse colline qui domine l’Oaxaca actuel de près de 500 mètres, y aurait d’ailleurs rendu impossible l’établissement d’une grande cité populeuse.

Le site est à une dizaine de kilomètres de la ville. Nous prenons un taxi pour nous y rendre. Cela nous permet de passer juste à côté de l’imposante scène extérieure qui domine la ville de son grand toit de toile. Puis nous traversons des banlieues populaires, où abondent des moto-taxis, de petits véhicules à trois roues conçus à partir de scooters (Vespa), l’équivalent des auto-rickshaws (ou auto-taxis) si courants au Kerala.

La montée (de presque 500 mètres) est importante. La route neuve nous offre de belles vues sur toute la vallée et sur les grandes montagnes qui nous entourent. Puis nous commençons à apercevoir quelques tertres de terre sur les plus hauts sommets. Nous approchons de Monte Albán.

Une fois passée l’entrée, nous nous trouvons tout de suite sur une petite place dominée par de vastes escaliers très pentus qui mènent vers un plateau que nous devinons à notre droite. Il ne faut pas oublier que tout le site de Monte Albán est une plate-forme située sur un sommet de montagne qui a été arasé de main d’homme. Les photos aériennes la laissent apparaître clairement comme une très large place horizontale posée à presque 2000 mètres d’altitude sur une montagne.

Louise et moi sommes attirés par la variété des plantes et arbres visibles. Mais Danaé est plus nerveuse, et plus attirée par les ruines. Elle n’hésite pas à grimper (à la course) la plus proche volée d’escaliers monumentaux. Ceux-ci sont tellement hauts et larges que nous avons peine à la faire figurer sur les photos que nous prenons d’elle.

Nous franchissons un escalier qui représente l’accès principal au site. Nous faisons une petite pause sous les deux grands arbres qui occupent ce préau, question de nous rafraîchir un peu sous cette température qui ne cesse de monter.

Nous jetons ensuite un coup d’œil fort intéressé à l’architecture dramatique du jeu de pelote de ce site. Ces terrains avaient une grande importance dans le Mexique préhispanique parce que, au-delà de la valeur sportive de ce jeu compliqué, la pelote a une grande valeur symbolique pour régler les conflits. Et les ruines du terrain donnent un vue très impressionnante de ce que devaient être ces parties.

Nous avons juste après une spectaculaire vue générale sur cette grande place de 200 par 300 mètres, avec la quantité de pyramides tronquées qui la bordent. Aujourd’hui, l’herbe drue qui y pousse est jaunie parce que nous sommes presque à la fin de la saison sèche; mais les photos prises à la saison humide montrent une place toute verte, encore plus impressionnante.

Nous effectuons tranquillement le tour complet du site, nous attardant à toutes les constructions accessibles, et grimpant toutes les pyramides et tertres qui se présentent. Les points de vue sont partout impressionnants, spectaculaires, monumentaux. La visite se termine par une tournée rapide du petit musée situé à l’entrée.

Une fois la visite terminée, il est encore assez tôt et j’ai l’envie de redescendre à pied vers la ville. Louise et Danaé ne s’opposent pas à l’idée de retourner seules à l’hôtel avec un taxi. Après seulement quelques minutes d’attente, un taxi arrive, qui laisse ses 5 passagers. J’approche le chauffeur. Il acquiesce aussitôt, en proposant un prix de 100 pesos, la moitié de ce que nous avions payé à la montée.

À titre de précaution, je m’approche du gardien du stationnement, pour lui demander des instructions pour trouver le sentier de descente vers la ville, que j’avais déjà identifié sur les photos aériennes de Google Earth. Celui-ci me répond tout de suite que mon projet est bien dangereux, surtout pour une personne seule, puisque de nombreux voyageurs ont déjà été détroussés par de jeunes brigands locaux. « On vous prendra tout, vos papiers, votre sac à dos, votre caméra, votre argent, vos vêtements même. Des cyclistes ont aussi perdu leur vélo ». L’avertissement surprend. Par contre, lui et un autre homme me confirment qu’il n’y a pas de risque à suivre la route.

J’amorce cette belle descente, sous le soleil ardent et la forte température. Ça me permet de profiter de la vue sur Oaxaca, sa vallée, et les autres montagnes qui m’entourent, y compris le sommet où se trouve le site de Atzompa. Puis, s’amorce une intéressante traversée des banlieues d’Oaxaca. Une belle occasion d’observer la vie quotidienne des gens. Je passe devant l’ancienne petite gare, aujourd’hui transformée en musée pour les enfants; j’y note que les enfants s’y amusent. J’arrive près de notre hôtel au bout de 2 heures et demie. Un court arrêt à la Taqueria Roy pour prendre une bouchée, et je retrouve Louise et Danaé.

Pour le souper, nous allons à La Popular, un café du quartier qui paraît intéressant pour son atmosphère, son menu et ses prix raisonnables. La salle est petite, entièrement ouverte sur la rue, mais totalement bondée. La serveuse qui nous répond nous propose de passer à une nouvelle succursale du café, plus haut sur la même rue, et nous y conduit gracieusement. L’accueil est chaleureux, le menu très intéressant et le repas s’avère une très bonne expérience. Nous retournons à l’hôtel bien satisfaits de notre première visite d’un site préhispanique. Danaé est tout à fait enchantée.

Dimanche 10 mars

Ce dimanche, je propose la visite du meilleur des nombreux musées de la ville. C’est un grand défi que de faire une telle proposition à une jeune fille de 10 ans. Mais ce Musée des Cultures d’Oaxaca paraît un ajout essentiel à la visite de la veille au Monte Albán. En particulier parce qu’on y expose le contenu de la tombe VII de Monte Albán, une tombe originalement zapotèque contenant les restes d’un personnage mixtèque très important. De nombreux objets exceptionnels et précieux y ont été retrouvés. Il y a des objets en or, en argent, en cuivre, en nacre, en turquoise, en jade et en corail. À ma grande surprise, nous avons passé presque 4 heures dans ce musée, sans que l’intérêt de Danaé ne soit affecté. Il y avait tellement à voir.

Il faut dire que ce musée est tout à fait remarquable. D’abord parce qu’il loge dans le très beau bâtiment de l’ancien couvent des Dominicains, construit à la fin du XVIième siècle. Même s’il a été nationalisé en 1860 et utilisé longtemps par les militaires, sa restauration est particulièrement soignée et réussie. Je note le travail minutieux des planchers de pierre, et la magnifique finition des murs à la chaux polie, un peu comme le taddelakt marocain. Ensuite par la qualité des pièces exposées, par le bel enchaînement des différentes époques dans le parcours à travers le musée, par la qualité des panneaux d’explication et par la grande esthétique de la muséographie. J’apprécie beaucoup que la proximité physique soit sans cesse maintenue entre le visiteur et les objets, mêmes fragiles. Aussi, à partir du moment où elle comprend qu’espagnol et français sont des langues bien proches, Danaé s’amuse beaucoup à lire en espagnol tous les textes et à les traduire. Elle réussit d’ailleurs assez bien.

Il est déjà tard lorsque nous sortons du musée. Nous arrêtons dans une simple pizzeria pour un dîner sans prétention. Puis, nous revenons visiter l’église de Santo Domingo, dans le même ensemble architectural que le musée, l’ancien couvent des Dominicains. Cette église, moins importante que la cathédrale située sur le Zócalo, est la plus remarquable de toute la ville. Elle est entièrement couverte de peintures de scènes et de portraits, sur les murs comme au plafond. Une lourde décoration blanche et dorée remplit tous les espaces entre ces peintures. L’exploration de cette floraison de détails nous occupe un bon moment. Et Danaé se découvre un intérêt nouveau à les prendre en photos, autant avec sa propre caméra qu’avec la tablette de Louise.

Nous retournons nous reposer un peu à l’hôtel. Puis nous allons vers un restaurant un peu plus chic du centre, El Sagrario. Nous y faisons un souper correct, avec un service un peu guindé, mais avec une cuisine moins inventive.

Lundi 11 mars

Sur le sommet d’une grosse colline juste à côté de Monte Albán (moins de 5 kilomètres en ligne droite), se trouve un site moins important qui se révèle avoir été un site cérémonial dépendant de celui-ci. Il devait néanmoins être important puisqu’il comportait trois terrains de pelote.

Comme ce site n’est pas très visité, et que sa visite doit pouvoir s’effectuer en une heure, nous recrutons un chauffeur de taxi qui est prêt à nous attendre sur le site. Nous ne mettons qu’une vingtaine de minutes à l’atteindre. La colline, et sa maigre végétation, sont brûlées par le soleil. Un gardien solitaire contrôle l’entrée gentiment du stationnement, et nous fait remplir un petit sondage qui vise à caractériser les visiteurs du lieu. Puis nous grimpons vers le sommet.

Nous sommes accueillis par une belle place, flanquée des ruines de la résidence d’un notable. Le lieu est magique. Les beaux volumes des tertres, pyramides et places du site. La magnifique vue sur la vallée, ainsi que sur quelques unes des pyramides de Monte Albán au loin. Nous avons le site de Atzompa pour nous seuls. Nous sommes vraiment les uniques visiteurs.

Nous remarquons, sur une des tertres qui recèle une pyramide à excaver, un veilleur, sans doute chargé de la discipline des visiteurs. Il ne fera pas contact avec nous, mais il se déplacera furtivement au cours de notre visite afin de suivre nos mouvement. Nous sommes sous bonne surveillance !

Le site se développe en plusieurs places, plus petites qu’à Monte Albán, et à des niveaux différents. Les points de vue sont donc plus intimes et plus variés. La recherche et la restauration sont également beaucoup moins avancés qu’à Monte Albán, ce qui fait que nous nous sentons bien plus intégrés aux monuments. Et il ne faut pas oublier que nous avons le site à nous seuls. Danaé semble enchantée. Elle nous devance partout, et adore faire des découvertes.

Au bout d’une heure, nous avons bien fait le tour. Nous redescendons la raide pente vers le stationnement, Louise et moi avec beaucoup de prudence, mais Danaé avec son pas de course de gazelle. Nous retrouvons notre taxi.

Nous lui demandons de nous laisser à la vieille gare ferroviaire. Celle-ci est désaffectée, et elle a été transformée en un musée pour enfants (le Museo Infantíl de Oaxaca, le MIO), incorporant une bibliothèque et des jeux enfants sous un magnifique boisé. J’avais aperçu ces jeux l’avant-veille, alors qu’ils étaient pris d’assaut par des dizaines d’enfants, dont une meute de louveteaux. Et je croyais que ça pourrait intéresser Danaé. Ce fut le cas. Elle a parcouru à plusieurs reprises une longue lignée d’obstacles divers, construits de bois et de cordes, pendant que nous l’observions sagement depuis un banc.

Nous continuâmes à pied vers le grand marché alimentaire de la ville, la Central de Abastos. Presque une ville dans la ville, sur 15 ou 20 hectares, avec une multitude d’éventaires, proposant tous les aliments imaginables. C’est un univers en soi. Nous achetons quelques bouts de canne à sucre, pour que Danaé fasse l’expérience d’en extraire le jus en le mâchouillant.

Il se fait tard, et nous avons faim. Nous poursuivons une dizaine de cuadras vers le marché du Vingt-Novembre où nous retournons au même petit restaurant que le vendredi précédent. Nous retournons à l’hôtel pour un répit, … et la rédaction du journal de Danaé. Ce soir là, nous retournons au café La Popular, pour un autre repas agréable, cette fois dans le local principal.

Mardi 12 mars

Cette journée est consacrée à une longue sortie dans la vallée d’Oaxaca, avec comme objectifs la visite du site archéologique de Mitla et les vasques des sources de Hierve El Agua. Nous y allons en minibus, avec une dizaine d’autres voyageurs, des Mexicains et un couple de Canadiens. Nous serons partis toute la journée. Le minibus nous prend à l’hôtel vers 10h. Nous sommes les premiers à bord et il faut ramasser tous les autres passagers en divers endroits de la ville.

Le premier arrêt se fait à moins de 10 kilomètres, dans le village de Tule, pour y voir (un peu trop rapidement) le célèbre arbre de Tule. Celui-ci est un gigantesque ahuehuete (Taxodium mucronatum), qui aurait été planté, selon une légende zapotèque, il y au moins 1400 ans (et peut-être 2000 ans) par un prêtre sur un site sacré préhispanique, occupé plus tard par l’église de ce village. Cette espèce est bien reconnue au Mexique pour sa longévité et pour ses dimensions remarquables, tellement qu’elle a été choisie comme arbre national. L’arbre de Tule se distingue par ses dimensions colossales, qui font paraître l’église paroissiale bien petite à côté. Il mesure 41 mètres de haut, et un poids estimé de plus de 600 tonnes. La circonférence de 42 mètres de son tronc en fait le plus large arbre au monde. L’arrêt un peu trop court nous permet d’apprécier sa masse, sa fraîcheur et son ombre, dans un parc particulièrement bien aménagé.

La région est renommée pour ses textiles, en particulier les tapis tissés à Teotitlan del Valle. C’est là notre prochain arrêt. La Casa Vasquez propose bien sûr des tapis à la vente. Mais nous avons d’abord droit à une très intéressante présentation de leur fabrication : le travail de la laine, les étapes de la teinture naturelle, le tissage proprement dit. Je suis ébahi par le fonctionnement du rouet et de la quenouille. Bizarrement, je n’avais jamais vu ces instruments en œuvre, et je constate les ressemblances avec le filage du coir (corde de cocotier) que je viens d’observer au Kerala. Nous portons particulièrement attention à la présentation très dramatique de la cochenille, ce colorant produit à partir de l’élevage du Dactylopius coccus, un parasite qui vit essentiellement sur des cactus du genre Opuntia. La maison nous propose ensuite une grande variété de tapis de toutes dimensions. Danaé s’intéresse particulièrement à un petit tapis blanc à motifs colorés, au point de songer à l’acheter. Voyant l’intérêt de cette jeune fille, le vendeur abaisse son prix à répétition. Mais cela représenterait le total de ses économies en banque, et nous quittons sans l’acheter.

Nous sommes en plein cœur de la région productrice de mezcal, cet alcool d’agave. Nous nous déplaçons de quelques kilomètres, vers une distillerie où on nous explique la méthode de sa fabrication. Nous pouvons en voir toutes les étapes, tâter les gros “ananas”, voir les fours souterrains, goûter la chair des agaves cuites, humer l’odeur des tonneaux de fermentation, sentir la chaleur des alambics. Pour terminer, on nous fait goûter diverses versions de ce breuvage.

Nous poursuivons notre chemin jusqu’à Mitla, un gros village installé aujourd’hui sur le site de ce qui était il y a plusieurs siècles un site religieux zapotèque très important. Une bonne partie du site se trouve donc sous le village. L’église paroissiale elle-même a été construite sur la base d’une pyramide existante. Nous visitons le principal site, qui comprend un petit nombre d’édifices cérémonials. Ceux-ci ont la particularité unique d’être décorés, d’une manière tout à fait unique dans le monde préhispanique, de frises de pierre, dessinées en relief par un emboîtement de très nombreuses pièces assemblées avec une grande précision et dépourvues de tout mortier pour les lier. Ces frises (grecas en espagnol) couvrent à peu près toutes les surfaces, à l’extérieur comme à l’intérieur, et leurs motifs sont chaque fois uniques, ne se répétant pas d’une partie à l’autre du site. Cet habile assemblage donnait une souplesse au bâtiment, ce qui permettait de résister aux séismes presque quotidiens qui affectent la région. Les frises sont en aussi bon état qu’à leur construction, et on peut encore voir un peu de leurs revêtements colorés d’origine. Nous terminons notre visite par l’exploration (un peu acrobatique) de deux tombes construites à l’intérieur de pyramides et accessibles depuis l’une des places.

Nous terminons cette belle tournée par une activité ludique, bien attendue par Danaé. Il s’agit d’une visite à Hierve el Agua, une source thermale située au sommet d’une falaise qui domine une vaste vallée. Les dépôts calcaires de cette source façonnent des piscines naturelles où nous allons nous baigner. Que de plaisirs en perspective !

Depuis Mitla, à la tête de la vallée, nous nous engageons dans les montagnes. La route est bonne, puisqu’il s’agit d’une nouvelle grand-route vers le sud desservant tout le sud du pays, dont le Chiapas, ainsi que l’Amérique Centrale.

Les sels calcaires que les sources déposent à leur sortie à l’air libre se sont accumulés depuis toujours et ils forment ce qui paraît être de larges cascades blanches, comme de l’eau bouillonnante. C’est d’ailleurs le nom du lieu (“l’eau bout”).

Nous ne disposons malheureusement que de deux heures pour profiter de l’endroit. Danaé n’a pas tardé à se plonger dans l’une des piscines, pour y demeurer toute la durée de notre visite. Nous avons pu profiter de la très belle lumière de la fin de journée et du soleil couchant sur la vaste vallée que nous dominions.

Nous quittons Hierve el Agua un peu après 18h. Sur la route, nous sommes témoins d’un spectaculaire coucher de soleil. Nous arrivons à notre hôtel un peu avant 20h. Comme nous sommes bien fatigués, nous choisissons de manger simplement, juste à côté, à la Taqueria Roy.

Mercredi 13 mars

Nous avons pu faire toutes les visites que nous avions planifiées
Lors de notre visite du Museo de las Culturas, dimanche, nous avions pu apercevoir à plusieurs moments de notre visite, le magnifique jardin situé dans l’ancienne enceinte du monastère des Dominicains. Les cactus en dominaient toute une partie, il n’y avait aucun visiteur, et nous n’avions pu trouver aucun moyen d’y accéder. Nous aurions tant aimé l’arpenter !

Une petite recherche me révèle que ce jardin porte le nom de Jardin Ethnobotanico et qu’il peut être visité, en groupes, à certaines heures. Mais pas le dimanche, ce qui explique qu’il était désert lorsque nous l’avons aperçu depuis le musée. Nous nous présentons à midi, et nous joignons un assez grand groupe d’une quarantaine de personnes. Notre guide est un excellent communicateur, très compétent en outre. Il nous explique que ce jardin ne date que d’un peu plus de 20 ans, qu’il remplace des installation militaires. Son objectif est de réunir le plus grand nombre possible des plantes typiques de l’état de Oaxaca. La visite commence par une section agricole où on nous fait part de l’immense importance des trois sœurs (le maïs, la courge et le haricot) dans la civilisation préhispanique. Il note que les deux dernières plantes ont d’ailleurs été domestiquées sur le territoire de Oaxaca. Nous passons par d’autres environnements, pour culminer dans la zone sèche, même désertique, avec son immense variété de plantes grasses et de cactus aux formes extravagantes.

Nous retournons dîner au restaurant La Olla où nous étions allés au début du voyage. Ce restaurant, qui est suggéré dans tous les guides de voyage faisait aussi partie des recommandations de l’animateur Stéphane Bureau dans son émission sur Oaxaca. Même s’il est presque 13h30 lorsque nous arrivons, le menu du midi n’est toujours pas disponible, pas avant 14h00. Ah ! Les horaires mexicains ! Mais le serveur s’arrange pour faire avancer les choses. Danaé reprend le même plat que la fois précédente : une sorte de tacos frits fourrés de patates. Mais Louise et moi sommes venus pour le réputé menu du jour. Nous aurons une petite salade de haricots noirs, une soupe aztèque, des boulettes de poulet sauce tomates sur riz, des tacos de bœuf, avec une eau de lime, et pour dessert une agréable gelée de petits fruits rouges. Un très bon repas.

Nous nous rendons ensuite au Musée textile, situé près du Zócalo. Malgré la description positive que les guides nous en donnaient, et de l’exubérance que ceux-ci nous annonçaient, nous sommes déçus. Nous faisons une visite rapide de l’exposition courante, qui est consacrée à l’utilisation de l’indigo dans les traditions populaires régionales. Danaé est en fait terrorisée par les grands mannequins qui portent les textiles exposés. La couleur sombre de l’indigo imprimé sur les tissus blancs figure facilement des démons, des diables.

Nous partons vite en direction du Zócalo, où Danaé veut faire ses achats de cadeaux et de souvenirs. Les choses proposées dans les stands et échoppes sont trop variées et trop tentantes; le choix prend un (petite) éternité. Au final, un grand foulard pour Fanny, une ceinture de cuir repoussé pour Marc-Antoine, un ballon à expansion pour Médérik, un petit bébé pour Anouk, deux bracelets identiques mais de couleurs différentes pour son amie Ophélie et elle-même.

Nous marchons un peu dans le parc, le temps d’observer une activité de danse populaire qui y a lieu tous les mercredis, Los Miércoles del Danzón. Mais rien d’extraordinaire qui nous incite à rester. Nous n’avons pas très faim. Mais Danaé suggère de passer au petit comptoir de Subway, y prendre un sandwich que nous pourrions manger à l’hôtel.

Au retour, Danaé (sous l’égide de Louise) rédige son journal. Elle y met une grande attention. Il faut donc beaucoup de temps pour rédiger le texte et ajouter les dessins. Mais le résultat est magnifique.

Jeudi 14 mars

Danaé a beaucoup aimé sa visite du Museo de las Culturas, en particulier celle des objets de la Tumba VII de Monte Albán, et plus encore le magnifique crâne décoré de turquoises. Mais, comme nous avions laissé nos caméras au vestiaire, elle n’avait aucune photo de cette visite. Elle nous a donc demandé de retourner au musée une seconde fois. Nous visitons surtout la salle qui présente les trésors de la Tumba VII. Mais nous prenons le temps de revoir en détail chacune des vitrines, de lire les nombreuses descriptions avec soin et de prendre une bonne quantité de photos.

Après cette visite, nous nous engageons un peu en dehors du centre, vers le marché Sánchez Pascuas, un petit marché de quartier fort accueillant. Ses restaurants nous attireraient, si nous n’avions un autre projet. Nous sommes plutôt tentés de visiter un petit “marché de restauration”, nommé La Cosecha (la moisson), en fait un assemblage de comptoirs regroupés autour de simples tables dans une cour intérieure. Nous faisons le tour de la cour, pour constater la diversité, la fraîcheur et l’originalité des mets organiques proposés. Danaé n’a pas faim et se limite à une limonade maison (lime, sucre et Perrier), Louise prend une assiette végétarienne. Je déguste un pozole, cette soupe traditionnelle de porc et de maïs, garnie de laitue, de piments, d’oignons, d’ail, de radis, de lime et d’avocat. Je l’accompagne d’une eau d’ananas et de lime. Nous retournons au Zócalo, pour y déguster des paletas (aux noix et à la lime). Puis nous retournons à l’hôtel.

Le souper de ce jour sera au El Olivo (l’Olivier), à deux pas de notre hôtel. Pour notre dernier repas à Oaxaca, nous sommes dans un gastrobar, qui se démarque par ses planches de fromages et de charcuteries. Ces dernières sont de fabrication maison, et elles sont excellentes. Nous faisons un excellent repas, échangeant tous les trois sur les points forts de notre voyage.

Vendredi 15 mars et samedi 16 mars

C’est déjà le retour. Nous suivons le même chemin qu’à l’aller. Avec une assez longue escale à Mexico, où nous parvenons à nous ravitailler et relaxer un peu dans un salon VIP de la banque HSBC. Puis un court vol de nuit jusqu’à Toronto. Danaé continue de nous guider dans le dédale de l’aérogare. Enfin, c’est le retour à Québec.


Les photos de Louise et Jean-François