Mon "scrapbook", tout simplement

LLullaillaco – Jours 7 à 10

Jour 7 – vendredi 23 novembre
du village ruiné de La Casualidad (4000m)
au village de Antofagasta de la Sierra (3400m)

Ce matin, déjeuner rapide (comme toujours, un breuvage chaud – thé, café, maté – et ces petits biscuits trop sucrés dont sont tellement friands les Argentins) et nous partons à lège pour la Mina Julia, sans charger les camionetas. Ça sera plus facile pour les véhicules, car nous montons jusqu’à 5300 mètres. Comme nous devons repasser par La Casualidad, nous prendrons les charges au retour.

Il fait magnifiquement beau… si l’on ne tient pas compte du vent. Le ciel est d’un bleu foncé que je n’ai vu qu’ici dans la puna et au Québec quand il fait -30 degrés.

Nous montons d’abord les larges collines sur lesquelles s’adosse la ville, pour aboutir à un vaste plateau un peu pentu, d’où nous apercevons dans tout son éclat la montagne blanche (teintée de jaune pâle) qui annonce son gisement de soufre. C’est insensé ! Toute la montagne est intensément blanche. Les géologues qui ont découvert ce gisement n’ont pas eu de bien grandes questions à se poser. C’est d’une évidence ! Tout ce soufre a été déposé sous forme gazeuse par les éruptions volcaniques au fil des millénaires.

En nous approchant, nous longeons quelques petits cônes volcaniques, tout noirs, avec la texture rude de leurs laves nouvelles, qui émergent de la blancheur du plateau. Puis, dans les fonds et replis, nous croisons de petits champs de penitentes encore bien droits.

Le chemin, qui est en très bon état malgré qu’il ne soit plus entretenu depuis un bon bout de temps, amorce ensuite la montée de la chaîne elle-même. Bientôt, le blanc vu à distance cède la place à un bain rapproché d’ultra-blanc aveuglant.

Nous arrivons ultimement au sommet. Nous nous émerveillons d’abord d’atteindre une telle altitude, facilement et dans le confort de nos camionetas. Car nous avons roulé sur l’une des routes les plus élevées au monde. Si l’on excepte une piste maintenant inutilisée atteignant une mine au sommet du mont Aucanquilcha au Chili (6176m), les chemins carrossables les plus élevés du monde seraient seulement 250 mètres plus élevés, le col de Semo La au Tibet (5565m) et le col de Marsimik La en Inde (5582m). Par ailleurs, la localité habitée de manière permanente la plus élevée, La Rinconada au Pérou, n’est qu’à une altitude de 5100 mètres

Nous descendons des véhicules. Nous sommes tout de suite bousculés par des vents fous qui nous obligent à nous arc-bouter et à marcher péniblement. Et nous sommes accueillis par un froid intense. Il suffit de quelques pas de plus pour aboutir à la crête elle-même et passer supposément de l’Argentine au Chili, bien qu’aucune marque ou indication ne nous le confirme. Du côté chilien, le décor n’est pas plus bienveillant. Au contraire, le fouillis de volcans à perte de vue est encore moins engageant, et on aperçoit un certain nombre de fumerolles.

Le long du chemin, nous longeons, adossée à la crête, une longue rangée de toute petites maisons de pierre, en fait de grandes cellules où les pauvres mineurs devaient essayer de se tenir au chaud après leur quart de travail, en attendant de pouvoir retourner quelques jours plus tard au confort relatif de La Casualidad. Les maisons n’ont plus de toit mais, parce que les rayons du soleil n’y pénètrent pas facilement, elles contiennent encore un peu de neige, sous forme de penitentes. Ensuite, un peu en bas du chemin, nous voyons les ruines des installations supérieures du cablecarril. De ce point, on peut facilement voir la ligne de poudre de soufre qui marque le tracé de ce téléphérique particulier sur des kilomètres, jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la descente vers La Casualidad.

Dans le monde minier moderne, une telle exploitation serait vue comme étant presque insignifiante, et ne mériterait peut-être pas les investissements techniques nécessaires. Mais, dans une perspective historique où existaient en Argentine un nationalisme économique démesuré, un désir excessif d’autarcie, une disponibilité de main d’œuvre docile et peu coûteuse, on peut comprendre qu’on ait choisi de l’exploiter, au prix du sacrifice de milliers de personnes.

Je profite de cette halte pour lancer un signal sur ma balise-satellite. Je le fais d’abord pour indiquer (comme d’habitude, 2 ou 3 fois chaque jour) où je suis et que je suis toujours en bonne santé. Je le fais aussi pour donner une indication à Louise et aux autres qui reçoivent ces signaux, que le groupe ne suit plus le programme original. Normalement, nous devrions avoir dormi hier au camp de base du LLullaillaco, autour de 4900 mètres, et nous devrions aujourd’hui être en route pour le camp intermédiaire à 5200 mètres. Quiconque reçoit les signaux satellite pourra constater qu’il y a un changement. Mais je n’ai aucun moyen de leur apprendre les circonstances de ce changement. Il est donc important que je multiplie les signaux de notre nouvel itinéraire.

La poussière

La poussière est un élément usuel de la puna. Dans un milieu comme celui-ci, où n’existe à peu près pas de végétation, et très peu de faune, le minéral domine sans équivoque. Dans un milieu où il n’y a que très peu d’eau, ce sont les vents et les différences extrêmes de température qui assurent l’érosion, avec l’expansion des sels. Ce qui en résulte est une poussière minérale très fine, omniprésente. Sur les pistes et chemins, le roulement des véhicules soulève cette poussière, de sorte qu’on peut voir venir les véhicules à des kilomètres à la ronde. Des tourbillons de poussière apparaissent spontanément à la rencontre de courants d’air. La poussière, combinée à la sécheresse extrême de la région, affecte la vie des humains, en s’infiltrant avec agressivité dans le nez ou dans les yeux. Tous se plaignent de difficultés de respiration. La poussière recouvre tout, s’infiltre partout, les vêtements, les cheveux, les véhicules. Pourtant, elle ne salit pas. Elle recouvre tout juste. Pour l’intendance de notre groupe, il est essentiel d’y parer, que ce soit par la grande bâche de caoutchouc pour les sac à dos, les bacs de plastique qui contiennent la nourriture et les petits objets.

Après cette visite, nous repassons par l’église de La Casualidad pour charger les camionetas, et nous voilà partis pour une assez longue traversée en direction d’Antofagasta de la Sierra, en passant par les salares de Rio Grande, d’Arizaro et d’Antofalla. Une traversée qui se fait sur des pistes improvisées, sans aucune indication, sans aucun service, et ne traversant aucune localité. Une traversée d’un désert total,où alternent salares et montagnes, sur une variété de surfaces, allant des laves noires bien mordantes, aux croûtes de sel qui chuintent sous les pneus, au petits cailloux qui crissent, aux grosses pierres qui cognent, au sable qui coule comme de l’eau.

L’eau

Pour notre groupe, la rareté de l’eau entraîne de nombreuses conséquences. Il faut d’abord que Nicolás ait prévu notre consommation pour la majorité des bivouacs où nous ne pouvons compter sur aucune ressource locale. Il a chargé environ 150 litres dans de grands bidons bien solides. En plus, nous avons acheté à San Antonio de los Cobres 3 ou 4 bidons de 10 litres en supplément. Il faut ensuite voir à limiter la consommation à la boisson et à la cuisine. Il faut surveiller toute perte, comme lorsque le mauvais plastique de l’un des bidons achetés s’est perforé. En conséquence, chacun se lave comme il peut, essentiellement avec des lingettes pour bébés. La vaisselle des bols et tasses se fait en rinçant avec de l’eau de boisson, celle des casseroles avec des serviettes de papier.

En laissant le salar de Rio Grande, nous découvrons ce qui paraît être un gros ruisseau qui coule librement. Ce sera notre seule traversée à gué, allant même jusqu’à patauger dans une boue liquide. Nous sommes tout excités et nous effectuons un court arrêt. Juste le temps de vérifier qu’il s’agit bien d’eau douce, d’y goûter et de nous y tremper les mains et le visage. À partir de ce moment, nous quittons la province de Salta pour celle de Catamarca.

Peu après, nous grimpons dans une longue vallée totalement sèche pour contourner le Volcan Antofalla (6437m). Le sable apparaît au fur et à mesure de la montée. Les pneus s’enlisent vite. Il ne sera pas possible d’aller plus loin et il faut changer de vallée. Dans la seconde montée, Nicolás réussit à passer, utilisant toute la puissance de son véhicule, et son habileté de pilote pour éviter les trappes de sable. La camioneta d’Augusto, elle, ne parvient pas à suivre. Celui-ci effectue plusieurs tentatives, sans succès. Son camion s’enlise à chaque fois. dans le sable. La pente est forte et la surface très molle. Nicolás prend la place d’Augusto. Il lui faudra plusieurs tentatives avant de réussir. Il faut dire que, même sans les passagers, les véhicules sont lourdement chargés.

Nous continuons en tout-terrain sur un plateau sans vraie piste, jusqu’à ce que nous arrivions sur un vaste promontoire dominant le salar d’Arizaro. Le prochain objectif est le salar d’Antofalla. Nous joignons rapidement une bonne piste qui va dans cette direction, plus précisément vers le minuscule hameau d’Antofalla (38 habitants) où nous espérons faire le pique-nique de ce jour.

À ce moment, sur une petite demi-heure, surviennent une série de problèmes techniques facilement résolus. D’abord une hauteur de caisse insuffisante pour le véhicule d’Augusto, facilement ajustée. Ensuite un des pneus qui semble perdre de l’air est regonflé grâce à un petit compresseur électrique branché sur l’une des batteries. Enfin une caisse de plastique mal arrimée est projetée sur le chemin et éclate, laissant de la nourriture éparse sur 50 mètres, mais sans autre perte irremplaçable que la bouteille de vinaigre.

Nous descendons graduellement vers Antofalla, ce hameau tellement isolé sur la “rive” du Salar de Antofalla (970 km2), qui ne peut exister que grâce à un petit ruisseau qui le traverse. Le salar, qui fait 150 kilomètres de long, a les allures d’une vraie “mer intérieure” à 3300m, bordée des deux massives chaînes des sierras d’Antofalla et de Calalaste, entre 5500m et 6000m.

Nous arrivons à Antofalla et garons les véhicules à l’ombre des quelques arbres qui y poussent. La journée est bien avancée et tout le monde a bien faim. Au menu, une simple mais magnifique picada, cette table bien argentine de fromages, de saucissons, d’olives et de toutes sortes de grignotines. Rien de compliqué, mais c’est toujours bon. Le ruisseau n’est pas loin et nous pouvons goûter un répit dans cette oasis.

Ragaillardis, nous reprenons le chemin au bout d’une heure, pour rallier l’étape du soir, le village d’Antofagasta de la Sierra. Nous traversons d’abord le salar, qui est assez étroit à cet endroit. En fait, le petit ruisseau qui abreuve le hameau d’Antofalla transporte assez de sédiments pour créer à son embouchure un vaste delta, en fait un large cône de déjection, qui réduit de 3 ou 4 kilomètres la largeur du salar. Nous entamons ensuite une montée abrupte pour nous engager dans la sierra de Calalaste. La piste que nous suivons est rude, à peine dessinée par le passage d’une niveleuse. Le trafic ne doit pas être très dense, si l’on juge par l’état du chemin. Après 500 mètres de montée, nous traversons une prairie irriguée par un petit ruisseau qui semble permanent. Cela semble suffisant pour assurer le contentement d’un grand troupeau de lamas, et la subsistance de quelques fermes.

Nous atteignons le sommet de cette sierra où les voyageurs ont érigé une grande apacheta, un amoncellement de pierres ornées de drapeaux rouges qui marque un lieu d’étape. Sur l’autre versant de la sierra, que nous atteignons après une longue traversée, nous suivons une étroite vallée où l’eau est partout présente, en petites quantités il est vrai. C’est suffisant pour permettre l’établissement de petits pâturages, occupés par de très nombreuses manadas de 6 à 10 vigognes chaque, peut-être une toutes les 5 minutes. D’après Nicolás, cette vallée a la réputation d’avoir la plus forte densité de vigognes “au monde”. Au monde des vigognes, faut-il comprendre ! C’est charmant de voir ces animaux à l’apparence si frêle.

Nous débouchons sur de plus larges vallées, où l’eau est maintenant très abondante. Ce sont partout des ruisseaux peu profonds avec la particularité que de vertes bordures de gazon s’avancent en porte-à-faux au-dessus de leurs rives, procurant aux truites un environnement ombragé paradisiaque.

Nous arrivons à Antofagasta de la Sierra où nous passerons les 2 prochaines nuits. Antofagasta de la Sierra est un assez gros village (1300 habitants), une oasis tranquille et verdoyante située à 3400 mètres. Elle est entourée de vertes prairies et de quelques petites rivières d’eau douce qui se déversent dans la Laguna de los Patos (le Lac des canards), en soi une grande rareté dans la puna. Même si la localité se trouve à la même altitude que San Antonio de los Cobres, les deux localités semblent être à l’opposé l’une de l’autre. Le ciel et l’enfer.

Nous voulions d’abord établir notre campement aux abords du village. Mais nous ne trouvons pas de lieu où ça soit possible de nous installer. De plus, certains membres du groupe préfèrent s’établir à l’hôtel. Nous vérifions du côté de l’hôtellerie municipale; on pourrait nous accueillir ce premier soir mais pas le second.

Nous trouvons un homme sympathique, Pedro, qui tient auberge. Il a la place pour nous recevoir, et il accepte de loger les guides gratuitement. Nous nous y retrouvons donc tous. Bientôt, son auberge prend des allures de caravansérail, avec tous les voyageurs qui s’installent, les guides qui vident le contenu des camions dans la cour intérieure et dans la grange-étable attenante. La cour intérieure elle-même fait figure de petite oasis, avec l’ombre de son énorme arbre et le plaisir esthétique de ses fleurs. La cour est tellement emplie de végétaux que, pour lancer les signaux de la balise-satellite, je n’ai pas une vue suffisante du ciel; je dois grimper sur le toit de pisé de l’auberge, et c’est de là que la balise émet ses signaux.

Nous avons accès à une douche ce soir. Je n’y ai pas manqué, m’essuyant avec la chemise souillée, avant de laver celle-ci et de la faire sécher à l’air tellement sec de la puna.

Dans cette auberge, nous avons eu le plaisir de partager la bière avec des arachides, des chips et des olives. Un plaisir et un régal. Puis ce fut le souper des aubergistes, plus raffiné que notre tambouille habituelle. Devant la télévision qui débite les nouvelles insipides de Buenos Aires, comme il est trop souvent d’usage en Argentine.

Jour 8 – samedi 24 novembre
au village de Antofagasta de la Sierra (3400m)

Ce matin, nous roulons vers le sud, sur la route d’accès vers Belén et Catamarca. En sortant du village, nous traversons de petites prairies où paissent de grands troupeaux de lamas, certains gardés par des enfants. Puis nous longeons la Laguna de los Patos, avec ses roseaux, ses canards (eh oui !) et ses flamants. Une vision bizarre, après plusieurs jours de paysages totalement minéraux ! Ce lac est situé tout près de deux magnifiques cônes volcaniques récents de 250 ou 300 mètres de haut, l’Alumbrera et l’Antofagasta. Nous ferons l’ascension du dernier en fin de journée. Ces cônes presque parfaits, marquent le paysage par leur couleur extrêmement foncée, presque noire. Encore plus frappants sont les grands champs de laves noires extrêmement déchiquetées qui ont coulé vers le sud en suivant la pente générale de la vallée. Sur 4 ou 5 mètres d’épaisseur, ces laves opposent un obstacle à peu près infranchissable. Aucune piste ne les traverse. Seul un poudroiement de sable qui s’accumule petit à petit entre les blocs de basalte adoucit un peu le relief. Prudemment, la route contourne ce champ de laves sur quelques kilomètres. Les deux cônes et leurs laves apparaissent clairement comme des éléments rapportés tardivement au paysage de cette vaste vallée.

Nous poursuivons notre périple pendant presque une heure sur cette route peu fréquentée. Pendant tout le trajet, se dessine au loin sur un versant de cette même vallée un vaste champ minéral tout blanc. Il s’agit de notre objectif, le Campo de Piedra Pomez (le “Champ de pierre ponce”), une vaste étendue de cette étonnante pierre poreuse, qui a un jour été éjectée par l’un des volcans voisins. Un grand panneau gouvernemental annonce l’attraction, et l’on s’attend à un lieu un peu touristique. Ce n’est pas le cas, car l’accès nécessite une quarantaine de minutes de circulation tout-terrain délicate.

Une fois arrivés, on constate qu’il s’agit d’une sorte de “coulée” de pierre ponce qui, comme les coulées de laves noires vues plus tôt le matin, recouvre le fond sableux et salé de la vallée, et possède des limites très nettes. Ici il y a une épaisseur de 10 mètres de pierre ponce. Juste à côté, il n’y en a plus.

Nous garons les camionetas dans un petit vallon de pierre ponce, et chacun erre dans ce dédale à sa guise. La masse ne semble pas comporter de structure cristalline. Aussi, on a l’impression d’une sorte de “toffee” spongieux, rempli de petites bulles, avec des inclusions de petits cailloux. Une roche bizarre, différente des pierres ponces qu’on trouve à l’occasion au Québec, blanche plutôt que noire, plus dense, probablement trop dense pour flotter. La pierre est un peu friable et c’est clairement le vent qui l’érode. Les arêtes sont nettes mais doucement courbées. Les petits cailloux inclus dans la masse protègent la pierre ponce située dessous de l’érosion; il se crée ainsi de petites colonnes auto-portantes de pierre ponce couronnées chacune d’un caillou. Je remarque aussi que la pierre ponce est traversée de failles en longues courbes douces, souvent larges de 2 centimètres.

Le sable a pénétré dans le massif (qui fait tout de même presque 200 km2) et il s’accumule entre les arêtes, dans les failles. À la périphérie, juste à l’extérieur de la masse de pierre ponce, le sable est façonné en petites dunes, en fait en barkhanes classiques.

Nous pique-niquons autour des véhicules, de panchos, ces hot-dogs argentins. Puis, nous rebroussons chemin, avec une petite variante qui inclut le passage d’une grande dune. La traction se perd vite, mais notre véhicule finit par passer. Celui d’Augusto, non. Il lui faudra 3 ou 4 tentatives pour réussir. Nous retournons tranquillement à la route principale, en direction d’Antofagasta. Juste avant la Laguna de los Patos, nous arrêtons à quelque distance du Cerro Antofagasta, l’un des deux cônes volcaniques aux abords du village.

Nous traversons d’abord une partie du champ de lave, empruntant des allées et des passages sablonneux entre les laves déchiquetées. Puis nous grimpons d’un bon pas sur le sentier raide qui aboutit d’un seul essor à la lèvre du cratère. De là, nous longeons l’arête vers le plus haut des trois sommets. Nous faisons une longue pause à cet endroit, environ 300 mètres au-dessus de la plaine, prenons des photos, mais surtout nous admirons le paysage qui nous entoure, la vaste vallée, le champ de lave vers le sud, l’abondance de petits volcans assez récents dans cette même direction. Le vent est très fort, et il importe de demeurer bien près du sol. Nous continuons le tour du cratère et visitons les deux sommets mineurs. Au moment d’amorcer la descente, le vent prend de l’ampleur, nous forçant à arrêter notre progression, à fermer les yeux et à bien nous “enraciner” au sol.

Nous retournons au village, pour relaxer un peu à l’auberge. En passant, nous observons les troupeaux de lamas regroupés autour de la Laguna de los Patos.

Jour 9 – dimanche 25 novembre
du village de Antofagasta de la Sierra (3400m)
au village de San Antonio de los Cobres (3800m)

Nous reprenons ce matin la route vers le nord, pour revenir dans la province de Salta. Notre objectif est de joindre San Antonio de los Cobres, un des véhicules se rendant plus directement en passant par Santa Rosas de los Pastos Grandes, l’autre faisant un détour par Tolar Grande pour permettre à Álvaro de récupérer la voiture qu’il y a laissé.

Nous demeurons un grand bout dans la continuation de la verte vallée d’Antofagasta, longeant un gros ruisseau. Si l’on en croit les panneaux routiers “À l’intention du Señor Pescador” indiquant les règles à suivre, il ne fait pas de doute que la pêche est populaire dans le coin. Notre aubergiste parlait de truites de 3-4 kilos. Nous abordons ensuite des massifs montagneux, avec une grande abondance de groupes de 6 à 10 vigognes.

Puis nous arrivons à un salar célèbre, le Salar del Hombre Muerto (“de l’Homme Mort”). Il est bien connu car il marque, avec les salares d’Uyuni en Bolivie et d’Atacama au Chili, les points qui définissent ce qui est connu comme “le triangle du lithium”. Les eaux souterraines de ce salar sont une saumure saturée de chlorure de sodium chargée de lithium, de potassium, de sulfate, de borates et de composants mineurs (mais précieux) comme le rubidium, le césium et le brome. Même si de larges “avenues” rectilignes traversent la surface du salar, nos conducteurs préfèrent longer la rive.

Nous passons un poste inutilisé de la police de Catamarca et traversons la frontière provinciale. Dès que nous sommes sur le territoire de Salta, la piste s’améliore beaucoup et devient une vraie route. Nous passons le hameau de Tolar Chico, qui partage le nom du village de Tolar Grande, et qui en est pourtant éloigné de plus de 60 kilomètres en ligne droite Puis nous nous arrêtons près d’un petit ruisseau pour un salade œufs tomates en pique-nique.

Nous reprenons la route et, juste un peu avant le village de Pocitos où nous sommes passés une semaine plus tôt, nos deux véhicules prennent des chemins différents, l’un pour laisser Álvaro prendre sa voiture à Tolar Grande, l’autre pour rallier San Antonio de los Cobres directement.

Je suis passager de ce second véhicule. Nous empruntons un chemin différent (routes 129 et 51 via Santa Rosa de Pastos Grandes) de celui pris à l’aller (routes 27 et 51 via Olacapato). Nous effectuons un petit arrêt à la Laguna de Pastos Chicos pour observer l’exploitation de sel de table qu’on y effectue.

Nous traversons Santa Rosa de Pastos Grandes, petit village de 136 habitants situé à 4000 mètres dans un fond de vallée renommé (comme son nom l’indique) pour ses pâturages et la bonne disponibilité d’eau. De là, nous nous engageons dans une longue montée vers le col de l’Abra de Gallo (4700m) puis dans une étroite vallée descendante aux innombrables sources thermales (Baños de Agua Caliente) vers la route internationale et San Antonio.

En empruntant la route 27 à l’aller et la route 129 au retour, nous avons effectué le grand tour du volcan Quehuar (6130m), un des sommets élevés les plus accessibles, qui pourrait être l’objectif d’une prochaine randonnée. Ce sommet (beaucoup plus accessible que le LLullaillaco) était très fréquemment visité par les Incas. À preuve, une maison dont il existe toujours les ruines avait été construite à son sommet. Des “momies”, c’est-à-dire des sacrifices humains, y avaient également été laissés. Malheureusement, de sinistres pilleurs de tombes se sont permis de détruire l’essentiel de ces sépultures à la dynamite.

Nous arrivons assez tôt à San Antonio de los Cobres. Nous excluons l’option de monter un campement en raison du vent et du froid. Nous préférons utiliser les amples dortoirs du cantonnement militaire; mais on nous répond que les manœuvres qui ont présentement lieu ne laissent aucune disponibilité. Nous passons au quartier de la Gendarmerie, et la réponse n’est pas différente. Nous passons enfin par l’auberge de jeunesse, l’Hostal del Cielo, et nous y trouvons une grande chambrée disponible. C’est là que nous attendons le second véhicule (qui n’arrive que vers 19h30), que nous prenons notre dernier repas ensemble (de simples pâtes sauce tomates) et que nous passons la nuit.

Jour 10 – lundi 26 novembre
du village de San Antonio de los Cobres (3800m)
à Salta (1150>m)

Après un petit déjeuner rapide, nous descendons à Salta. Un arrêt à l’école technique d’Alfarcito.