Mon "scrapbook", tout simplement

Navarino

Los Dientes de Navarino

Le courriel de Jean-François

Mardi, le 19 février 2008
Puerto Williams, Île de Navarino, juste au sud de la Terre de Feu, et pas bien loin au nord du Cap Horn, le mardi après-midi.

Je commence ce message, tout en sachant que j’aurai probablement à le compléter et le terminer à Punta Arenas demain, car la connexion Internet est un peu lente ici.

Mario et moi venons juste de revenir à la “civilisation”, après 36 heures de navigation et cinq jours d’une randonnée plutôt dure. Tout va bien au physique comme au moral, mais ce que la douche a été bonne !

La traversée depuis Punta Arenas a été intéressante, a travers les îles et les glaciers, avec deux courte escales dans des lieux du bout du monde. Nous étions dans une sorte de péniche de débarquement de 400 tonnes, avec deux douzaines de passagers répartis entre 4 couchettes (nous en étions, grâce aux réservations hâtives), une vingtaine de fauteuils bien simples, un conteneur et trois tentes sur le pont. Confort précaire. Repas imprévisibles quant a l’horaire, l’importance ou la composition. Mais il y avait la paysage. Et la bonne température. Mario a agi comme figure de proue de notre fier navire pendant toute la traversée, de jour comme de nuit.

Vendredi dernier. A l’ancre vers 5 heures du matin. A terre vers 8 heures. Passage rapide chez les “Carabiniers”, pour nous inscrire. Et nous partons direct pour le “Circuit des Dents de Navarino” notre objectif. Une magnifique journée. Avec le climat patagon normal: toutes les saisons en séquence chaque heure … ou chaque dix minutes. Plutôt froid. Un maximum de 15 degrés sous le soleil et sans vent. Un minimum de zéro la nuit.

Cinq journées très différentes dans un circuit plutôt difficile. Il n’existe pas vraiment de sentier. C’est du tout-terrain. Les marques sont assez rares. De simples traits de peinture rouge, de distance en distance. Une vraie course au trésor. Qui nous a obligé à réfléchir, à reculer, à hésiter, à nous sentir perdus. Des grands bouts du chemin sont laissés sans indication. C’est là que ça se corse !! Il faut ajouter à cela que peu de marcheurs empruntent ce circuit. Le sergent des carabiniers nous montrait la liste des 267 inscriptions prises pour toute l’année 2007. Nous avons nous mêmes rencontre cinq autres personnes pendant toute la semaine. Il n’y a donc pas beaucoup de monde pour laisser des traces !!!!

Des campements très différents les uns des autres. Au bord d’un lac de montagne. Au-dessus d’un des très nombreux lacs de castors (importés naguère du Canada). Dans un bosquet de lengas; pas loin d’un lac. Sur le delta d’un torrent qui se jette dans un lac. Chaque fois un campement difficile à trouver. Car le terrain plat et sec est très rare dans le coin. Et les castors (dont nous n’aurons vu que les oeuvres, sans jamais les apercevoir) ne font rien pour aider la situation.

Punta Arenas, le mercredi après-midi 20 février 2008.
Je continue le récit commencé hier.

Comme vous pouvez l’imaginer, c’est un circuit de randonnée qui requiert un minimum d’expérience, surtout dans la “lecture de paysage”. Les journées sont indiquées comme étant autour de 5 heures. Nous les faisions en 7 heures en moyenne. Nous avions l’impression de faire une course au trésor, où chaque marque de peinture rouge, où chaque cairn était un prix en soi. Nous nous sommes perdus plusieurs fois, mais jamais pour plus de quelques minutes, une demi-heure tout au plus, le temps de faire marche arrière et de réfléchir un peu.

Justement, ce que nous avons aimé, c’est la merveilleuse solitude et l’aspect très sauvage de cette région. Difficile à battre, … sauf en terre de Baffin, ou au Groenland.

Nous avons des centaines de photos. Elles seront (en vrac) sur un site le 4 ou le 5 mars. Le texte (et la sélection des meilleures photos) suivront quelques jours plus tard.

Hier, à la fin de notre périple, nous avons été très bien accueillis, comme un retour à la maison par Claudia de l’Hostal Pusaki (salutations de sa part pour toi, Anne). Une soirée pépère au bar Angelus, dans une atmosphère plus francophone que chilienne, grâce à des marins français et une proprio chilienne polyglotte.

Un vol très agréable sur le petit Twin-Otter de la DAP (en évitant bien consciencieusement le “pointillé” de la frontière argentino-chilienne, au milieu du canal du Beagle, et plus à l’ouest). Des vues superbes sur un paysage totalement sauvage. Le plaisir de revoir des bouts de notre voyage aller en bateau, et de refaire en 1 heure l’itinéraire qui nous avait pris 36 heures à l’aller.

Nous refaisons les bagages aujourd’hui. Plus légers un peu car nous laissons la tente, la bouffe et le réchaud de côté. Nous partons pour le grand tour du parc de Torres del Paine, en 9-10 jours. Nous utiliserons les refuges pour cette partie du voyage. Mais nous prenons quand même les matelas, sacs de couchage, et tous les vêtements de pluie. Il pleut beaucoup ici. Il fait frais, ou même froid. Et toutes les saisons défilent plusieurs fois par jour. Nous emporterons des gâteries, des livres, du chocolat, du whisky. La vie devrait être facile.

Ne vous inquiétez pas pour nous. Tout va très bien. Plus le voyage avance, plus Mario et moi émettons des hypothèses intelligentes sur tout !!!!! Ça doit être un bon signe !!!!!

Jean-François