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Maroc – 2

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Randonnée dans le Haut-Atlas, Maroc – 2

26 mai au 17 juin 2016

 

Texte et photos de Jean-François Bouchard
Augmenté d’une soixantaine de photos de Dominique Fourestier

Mardi le 31 mai (jour 04)

Marche 08h00 à 13h00; total de 5h00

L’objectif du jour est un plateau d’altitude situé au pied du M’Goun, le plateau de Tarkedit (2900m), où se trouvent les sources de la Tessaout qui coule vers l’ouest, mais très rapproché des sources de la rivière d’Arous que nous remontions la veille. Il devrait donc être possible de passer de l’une à l’autre. Mais, comme le cours de l’Arous s’insinue par des gorges impraticables, il nous faut contourner cet obstacle en franchissant un col de Tarkedit, à 3375m.

Après un départ longeant les sources d’Ikkis, la montée se fait en trois étapes distinctes, liées par des pauses sur des petits cols secondaires. La montée est agréable et nous atteignons sans trop de peine le col principal. S’offre alors à nous une superbe vue d’ensemble sur la chaîne du M’Goun, de l’autre côté du plateau de Tarkedit. Nous descendons rapidement vers ce plateau herbu et humide où paissent des troupeaux, surtout des mulets et de chevaux. Nous campons à proximité des sources de la Tessaout, et du refuge du M’Goun.

Nous arrivons assez tôt pour que le repas du midi se prenne au campement, et que nous ayons tout l’après-midi libre. C’est l’occasion d’une douche (chaude) au refuge, d’une petite excursion dans les environs, d’un peu de lecture. C’est ce moment que choisit Dominique pour partager une bouteille de Ricard à l’apéro.

Les animaux paissent librement dans cette grande prairie, sans qu’aucun pasteur les accompagne. J’aurai pourtant, en début de soirée, la chance de croiser un homme qui longeait notre camp avec un petit troupeau de 6 ou 8 dromadaires.

Chaque soir, Hamid nous communique les grands traits de la journée suivante, nous indiquant également l’horaire à suivre. En général, nous nous levons tôt (vers 6 heures), pour préparer les bagages, pour déjeuner une heure plus tard et être en route avant 8 heures. Ce soir là, les directives sont plus sévères car la prochaine journée est celle de l’ascension du M’Goun, le point culminant de l’Atlas central, une épopée d’une dizaine d’heures.

Mercredi le 1er juin (jour 05)

Marche 06h00 à 11h30, 12h30 à 16h00; total de 9h00

Le lever est sonné autour de 4h30. Nous nous engageons sur le sentier vers 6 heures. L’accès est relativement facile, et le terrain commode. Après une longue approche, il faut s’engager dans une montée assez abrupte, puis dans la traversée d’un plateau où il reste encore un peu de neige et de glace. D’ailleurs, le groupe précédent qui effectuait le même trajet 3 semaines plus tôt que nous n’a pu atteindre le sommet de M’Goun (4068m), en raison de la trop grande présence de neige.

Le sentier aborde ensuite de biais une pente d’éboulis facile à traverser. À partir de ce point, l’avance s’effectue sur une longue crête (peut-être 4 kilomètres), où la vue est exceptionnelle, portant très loin au sud. Le groupe atteint le sommet avant l’heure du midi. C’est le moment de casser la croûte. Puis de revenir par le même trajet. Nous retournons vers 16h au même campement que la veille, où nous sommes accueillis avec une robuste collation chaude.

Jeudi le 2 juin (jour 06)

Marche 08h00 à 13h00, 15h00 à 17h00; total de 7h00

Depuis le plateau de Tarkedit, nous prenons la superbe vallée de la Tessaout sur 4 kilomètres, jusqu’au moment où elle devient trop encaissée pour la longer. Il faut alors la contourner en grimpant vers le magnifique plateau du Tizi n’Asdrem (3200m). La montée pour l’atteindre est courte, et la traversée (de 6 ou 7 kilomètres) est belle et facile, pratiquement à niveau.

Nous effectuons une pause à la limite ouest du plateau, juste avant de nous engager dans un retour vertigineux vers la superbe vallée de la Tessaout, en empruntant des corniches.

Le repas du midi nous attend au bas de la descente principale. Toujours aussi délicieux et sain. C’est à cet endroit que nous prenons conscience que, le repas terminé, notre guide, notre cuisinier et son assistant consacrent chacun à leur tour quelques moments à la prière.

Nous continuons notre descente vers le village de Tasgaiwatte (2325m). Aux approches du village, nous rencontrons plusieurs petits groupes de femmes et de jeunes filles qui, après leur pause du midi, s’engagent en babillant dans la montagne avec des petites pioches et des herminettes pour prélever du bois de chauffage aux antiques et magnifiques pins d’Alep parsemés sur ces pentes desséchées; il est d’ailleurs étonnant que cet élagage s’effectue avec des outils aussi peu adaptés plutôt qu’avec des haches.

Même si la vallée est magnifique, avec des paysages remarquables, elle est aussi très densément peuplée. Il en résulte que notre campement doit se compresser dans l’étroite cour d’une ferme. Le lieu n’a rien à voir avec le charme des campements d’altitude des jours précédents.

Vendredi le 3 juin (jour 07)

Marche 08h00 à 13h00, 15h00 à 18h00; total de 8h00

Notre itinéraire de la journée longe la Tessaout. En fait, Hamid nous prévient que nous la longerons tellement que nous nous y mouillerons les pieds à répétition.

La haute vallée de la Tessaout, d’où nous partons, communique avec l’extérieur en passant par Ouarzazate au sud. Par contre, la basse vallée de la Tessaout, où nous terminerons la journée, communique avec l’extérieur en passant par Demnate au nord. Entre les deux, pas de chemin, pas de route. Seule la rivière permet le passage.

Nous descendons donc la vallée et découvrons ses beaux villages : Amezri, Ichbaken, Aït Hamza, Aït Ali Nitto. Leurs tighremts (casbahs, forteresses) qui constituaient autrefois le noyau de défense subsistent toujours; aujourd’hui, des familles continuent de les occuper et ils tiennent encore lieu de réserves de vivres.

Nous longeons donc la Tessaout toute la journée. En fait, nous suivons de petit sentiers sans cesse interrompus par des torrents, des mares et des bras de la rivière, que nous ne cessons de traverser.

Contrairement aux autres randonneurs qui alternent à répétition entre les bottes et les sandales, je n’hésite pas à conserver les bottes aux pieds pendant toute la journée, quitte à bien les tremper à chaque traversée. Mais il fait assez chaud et sec pour qu’elles sèchent en seulement 20 ou 30 minutes.

Le village d’Ichbaken est le dernier à être relié à la Haute-Tessaout. Au-delà la vallée est beaucoup moins peuplée. On y croise très peu de terres cultivées. Pour le repas du midi, nous arrêtons dans un bosquet de saules et de peupliers établi entre des bras de la rivière, sur une sorte d’île sans doute inondée lors des crues. Le lieu est ombragé et agréable. Il se prête bien à la pause du midi.

Vers la fin de la pause, trois jeunes garçons portant un jeune pic qu’il ont capturé se présentent à nous, dans l’espoir de nous le vendre. Hamid leur fait des remontrances. Mais il leur paie toutefois de quelques sous la liberté de l’oiseau.

Nous continuons le reste de l’après-midi en longeant la rivière dans une zone à peu près inhabitée. Puis soudain, au détour d’une boucle, des champs, puis quelques agriculteurs. Quelques minutes plus tard, nous apercevons un pont routier et un village.

C’est là que nous logeons ce soir, dans un gîte très agréable, installé en surplomb du pont à Aït Ali Nitto (1860m). Propriété d’une famille locale qui a su faire fortune à Marrakech, le gîte apparaît être un investissement dans la popularité touristique du village.

Les chambrées sont bien éclairées et aérées, la salle commune bien confortable, les salles de bain et les douches propres. De petites attentions soulignent le soin qui a été apporté par les propriétaires à l’aménagement du gîte: des draps luxueux (et neufs) pour les lits, des murs magnifiquement revêtus d’un tadelakt soigné.

Tadelakt

Le tadelakt (mot berbère qui signifie “polir”) est une sorte de stuc, un enduit de chaux à l’eau, brillant et imperméable. Il peut être utilisé aussi bien en intérieur qu’en extérieur. C’est l’enduit traditionnel originellement employé pour étanchéifier les citernes à eau. Et il est également un art décoratif du Maroc: façades, bassins, hammams, salles de bains, murs. Il a la particularité d’être poli avec un galet de rivière et d’être traité au savon noir liquide pour acquérir son aspect définitif. Le tadelakt a un aspect très doux, avec de subtiles variations de couleurs qui lui confère de grandes qualités décoratives.

Lorsque nous logeons dans un gîte, notre équipe d’encadrement n’abandonne pas son travail puisqu’elle continue à s’occuper de nous, de la même manière qu’au campement. En fait, le cuisinier et son équipe investissent la cuisine du lieu, avec tout leur attirail, pour préparer les repas.

Juste avant le repas, nous avons pu observer que les 9 membres de notre équipe se retiraient dans leur chambrée afin de mener la prière du soir tous ensemble. Une vision émouvante de l’extraordinaire force sociale d’une religion partagée.

Puis, après le repas, l’équipe d’encadrement au grand complet nous est apparue dans la salle commune, pour une autre “messe” sociale, celle de la musique traditionnelle. Les hommes voulaient nous faire connaître la musique traditionnelle berbère, en utilisant les moyens de fortune dont ils disposaient. La musique berbère s’appuie avant tout sur diverses formes de tambours, qui étaient improvisés à partir de casseroles et de jerricans vides. Nous avons même eu droit à une très crédible improvisation de flûte arabe par la seule voix d’un des muletiers. La musique berbère incorpore le plus souvent des “répons” entre le choeur des hommes et celui des femmes; le spectacle se contentait de deux choeurs d’hommes. S’ajoutait à la fête une danse régionale syncopée à laquelle nous sommes invités.

Samedi le 4 juin (jour 08)

Marche 08h00 à 13h00, 15h00 à 17h00; total de 7h00

Nous quittons Aït Ali Nitto en traversant un pont récemment construit sur la Tessaout et suivons d’abord un affluent puis une route récemment construite dans la vallée de celui-ci, en direction de Megdaz (1960m). Considéré comme l’un des plus magnifiques villages du Haut-Atlas, ses superbes maisons à étages et ses hauts greniers-forteresses rouges lui donnent une fort agréable unité d’apparence.

Nous nous dirigeons vers la plus grande des six casbahs du village, une vaste forteresse de 6 ou 7 étages, composée de maisons, de greniers et d’un réduit central anciennement facile à défendre durant les périodes d’instabilité politiques. Nous frappons à la porte centrale. La réponse tarde. Puis un enfant transmet la demande de visite au gardien du lieu, qui est pourtant prévenu de notre arrivée. Nous entrons éventuellement. Et nous constatons que, même si une bonne moitié de l’édifice n’est plus utilisé, il demeure occupé par plusieurs familles.

Nous grimpons sur le toit de la forteresse, plusieurs étages plus haut, par un sombre escalier traditionnel. Le vénérable gardien nous prépare le thé à la menthe.

La vue est magnifique. D’un côté, derrière nous, accroché à la pente abrupte de la vallée, le village de Megdaz avec ses nombreuses maisons, ses rues étroites et ses autres forteresses. De l’autre côté de la vallée, des mosquées décorées et leurs minarets chaulés qui se détachent de la monotonie d’un petit village rapproché que nous traverserons bientôt.

En admirant cet immense édifice, nous ne pouvons qu’être impressionné par la pérennité de cette architecture traditionnelle à travers les siècles, alors qu’elle est basée sur des matériaux aussi simples que la terre damée, de minces tiges de peupliers et quelques troncs bien secs. L’édifice vibre un peu au gré de nos déplacements sur le toit d’argile, mais on sent que c’est toute la souplesse de cette construction.

Nous continuons notre chemin vers le col de Megdaz (ou Tizi Awrghiz 2450m), qui nous permet de passer vers la vallée d’un affluent parallèle de la Tessaout. La montée est régulière et assez facile. Nous croisons plusieurs groupes sur ce même chemin, des hommes et des mulets qui se déplacent d’un village à l’autre ou qui descendent des pâturages d’altitude.

Nous effectuons une pause au col, juste au-dessous d’un de ces nombreux relais téléphoniques qui desservent même les coins les plus reculés de l’Atlas. Puis nous entamons une descente pour rejoindre le village de Tagoukht (à 2020m). Nous croisons tout de suite plusieurs groupes de pâtres, des jeunes filles et des garçons, avec de tout petits troupeaux de bêtes décharnées, des vaches, des brebis, des chèvres tous un peu pitoyables, broutant de bien maigres pâturages. Ce sont des nomades saisonniers que les villageois sédentaires locaux laissent utiliser leurs estives les plus marginales. Un peu plus bas, nous traversons le village semi-permanent de ces nomades, utilisé quelques mois chaque année. Les maisons sont en fait des abris rustiques, qui révèlent la pauvreté de cette population.

Le sentier continue en longeant un torrent. Le cours d’eau s’engage bientôt dans un très étroit défilé et notre sentier remonte alors par un petit col pour débouler ensuite le village de Tagoukht. Nous faisons la pause du midi sous un bosquet d’arbres en bordure du lit asséché d’un grand cour d’eau.

Nous traversons ensuite le village de Tagoukht, où nous passons juste à côté du simple petit bâtiment moderne qu’est l’école. Nous pouvons voir que la salle de classe (la seule) est pleine à craquer. Des enfants de tous âges un peu partout. Même à l’extérieur des fenêtres, de nombreuses grandes filles observent et écoutent avec attention.

Nous nous engageons dans la lente montée, sous un soleil très ardent, vers un premier col dénudé (2300m) qui nous gratifie de magnifiques panoramas. On peut même y apercevoir notre camp, qui est déjà monté. Le reste de la randonnée, peut-être 3 kilomètres encore, s’effectue dans une vaste estive autour de 2200m – 2300m sans doute souvent occupée par les troupeaux si on en juge par la présence d’abris et de corrales. Au milieu de cette étendue, il nous faut traverser brièvement un profond ravin. Puis c’est la remontée vers le doux  plateau ( les Azibs Taoudja 2300m) où se trouve le camp.

Dimanche le 5 juin (jour 09)

Marche 08h00 à 15h00; total de 7h00

Nous quittons le campement pour franchir un premier col (2400m) où nous avons une magnifique vue sur le beau village de Tikhfist, que nous ne traverserons malheureusement pas. Nous descendons d’environ 200m, croisant des campements semi-permanents de nomades vers une petite route (R307) qui traverse le massif.

De là, nous nous engageons dans une longue et magnifique montée vers le col de Tizi n’Fredoute (2800m). Nous sommes alors dans les contreforts rugueux de l’Anghomar (3610m), que le groupe atteindra le jour suivant. De là, il ne reste plus qu’une abrupte descente vers un fond de vallée rocailleux qui nous mène sur 3 kilomètres vers le lac de Tamda (2550m). C’est justement la descente douce de seulement une centaine de mètres sur les gros cailloux du fonds de cette vallée qui s’est avéré pour la plupart des randonneurs la plus grande épreuve de tout notre parcours. L’instabilité des cailloux se combinant à la très forte température a créé des conditions de marche très difficile.

Nous arrivons assez tôt auprès d’un des très rares lacs de l’Atlas, le lac de Tamda. Ce petit plan d’eau, coincé par une ancienne moraine (et sans exutoire), attire de nombreux troupeaux locaux qui viennent s’y abreuver, avec leurs bergers qui essaient d’y pêcher. Le camp est monté à l’extrémité aval.

Suite à la troisième page…