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Canarias – El Hierro

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Du 31 mars au 10 avril 2018

El Hierro est la plus petite de toutes les îles des Canaries. Elle ne couvre que 270 km² de surface et sa population s’établit à 11 000 habitants. Ce sera la dernière des îles que nous visiterons. Elle a la réputation d’être une île très tranquille avec des paysages remarquables. 

Samedi 31 mars

Nous abordons aujourd’hui notre dernière île, celle de El Hierro, la plus petite (260 km2) et la moins peuplée (10,200 habitants) de l’archipel. Il en résulte qu’elle est souvent l’île oubliée des touristes. Nous quittons La Palma tôt en cette matinée du Samedi-Saint, peu après le lever du soleil. Il faut dire qu’il y a un décalage de presque 2 heures entre l’heure officielle des Canaries et l’heure solaire locale, ce qui fait qu’il est déjà 8 heures quand le soleil se lève ! Notre vol longe le flanc nord du Teide, le temps de constater que le sommet est toujours enneigé, mais bien moins que le mois dernier. Nous faisons une courte escale à l’aéroport de Tenerife-Nord, pour la troisième fois, et continuons vers le petit aéroport de Valverde à El Hierro.

Il faut noter que El Hierro jouit d’une géographie particulière. Bien sûr, l’île est d’origine volcanique, comme les autres Canaries. Un grand volcan ancien, émaillé de centaines de plus petits cônes, apparus au fil des années. Mais la face Nord-Ouest de ce grand volcan se trouve tronquée par un escarpement massif atteignant environ 1500 mètres de hauteur, formé à la suite d’un écroulement dans l’océan. Le résultat de ce cataclysme (datant de 50 000 ans à 130 000 ans) est une impressionnante dépression en forme de demi cercle d’un diamètre d’une douzaine de kilomètres et aux parois abruptes de plus de 1000 mètres nommée Valle de El Golfo. Ce cataclysme aurait eu un volume de 150 à 180 kilomètres cubes. Nous serons donc confrontés à des dénivellations de l’ordre du kilomètre.

Notre vol arrive à l’heure prévue au petit aéroport. Nous tardons un peu à sortir puisque nous devons attendre un peu pour prendre livraison de notre voiture. Surprise ! Armindo , le propriétaire de notre maison est juste là devant nous à l’aéroport, avec son épouse. Même s’il n’avait pas répondu au message que je lui avais envoyé il y a quelques jours pour le prévenir des détails de notre arrivée, il est venu nous rencontrer en personne. Nous récupérons notre voiture dans le stationnement et nous le suivons. L’aéroport est en bordure de mer, et nous grimpons tout de suite en direction du petit village de Erese, situé au-delà de Valverde, la capitale, à une quinzaine de kilomètres. Armindo trouve probablement qu’il roule lentement; mais c’est déjà un peu trop vite pour moi, sur une route de montagne inconnue, au volant d’une voiture nouvelle. Encore heureux que ce soit le même modèle que la voiture que nous avions à La Palma !

Une fois rendus, à la hauteur de la maison (la Casa Tia Lucila), Armindo range sa voiture sur le côté droit de la route. Il m’indique de tenir la gauche de la route et d’amorcer un large virage. La voiture se retrouve ainsi presque en travers de la route, le capot pointant tout droit vers le ciel, car je dois maintenant descendre une pente bétonnée tellement abrupte que cette descente disparaît entièrement à mes yeux. Je me fie à ses indications pour aligner la voiture, descendre la pente et me faufiler vers la petite cour de la maison. Le coeur me palpite ! Armindo s’empresse de me réconforter, puis il m’enseigne la meilleure manière de retourner la voiture dans la minuscule cour et de remonter cette pente mémorable. J’ai, par la suite, pris le temps de mesurer l’angle de cette descente à pic: 31%, soit environ 17 degrés. Alors que la rue la plus pentue du monde (à Dunedin en Nouvelle-Zélande) fait 35% ou 19 degrés. Chacun de nos départs et arrivées quotidiens sera un moment intense, avec l’aide de Louise qui agissait comme “signaleuse” sur la route. Armindo prend le temps de nous présenter la maison, nous racontant toute l’histoire qui entoure la réelle “Tante Lucile” qui était la propriétaire originale de la maison. Nous cherchons ensuite une épicerie pour garnir le garde-manger et le frigo pour les jours à venir.

Dimanche 1er avril

Ce jour de Pâques est extrêmement très tranquille partout où nous allons. C’est à croire que tout le monde reste à la maison. Nous choisissons de faire une randonnée en boucle dans une forêt au sommet de l’île. L’île est absolument magnifique, avec une grande abondance de fleurs partout. Et tout semble si paisible. Notre randonnée sera agréable dans une forêt de pins et de bruyères arbustives.

Lundi 2 avril

Notre logement est situé à une altitude d’environ 600 mètres. Cette situation aura un impact tout au long de notre séjour, autant sur la température (3 degrés par rapport  la mer) que sur la présence de nuages (les sommets ne sont pas loin). Même si nous espérions très fort pouvoir prendre l’apéro du soir sur notre terrasse, nous n’avons jamais bénéficié de conditions qui nous l’auraient permis.

Nous décidons d’explorer la pointe occidentale de l’île, qui a représenté pendant des centaines d’années la limite extrême du monde européen connu. Nous passons par le village de Pinar pour faire le plein d’essence. Il faut dire que nous avons été prévenus qu’il n’existe que 3 stations-service dans toute l’île et qu’il valait mieux ne pas l’oublier. À Pinar, la mini station service est située sur l’étroite rue principale et n’accepte qu’une voiture à la fois. Son bureau est à peine plus grand que 4 ou 5 cabines téléphoniques. Minuscule !

Nous nous engageons vers la Dehesa, cette région essentiellement déserte de l’ouest, le long d’une petite route à flanc du versant sud de l’île. Nous nous rendons directement à l’Ermita de la Virgen de los Reyes (la chapelle de la Vierge des Rois), un haut-lieu local, puisque cette vierge est la patronne de l’île. La statue, qui a été donné en 1546 par l’équipage d’un navire en route vers l’Amérique, est amenée chaque 4 ans en grandes pompes jusqu’à Valverde puis promenée dans toute l’île. Malheureusement, nous découvrons que la chapelle est fermée tous les lundis, et que nous ne pourrons la visiter.

Nous laissons la voiture près de la chapelle et commençons notre randonnée à travers une région appelée le “Sabinar”, une sorte de savane où poussent une espèce d’ifs extrêmement contournés par les vents forts qui y soufflent. Nous nous rendons d’abord auprès de l’un de ces arbres, le plus déformé semble-t-il, qui fait figure de symbole de l’île. C’est là que nous pique-niquons. Puis nous continuons sur ce vaste plateau sec et venteux jusqu’à un impressionnant point de vue, installé sur le bord d’une falaise qui domine de plus de 1000 mètres le village de Sabinosa. Ce mirador est littéralement vertigineux. Son accès est d’ailleurs limité, en raison d’éboulis qui le rongent déjà.

À partir de cet endroit, les nuages nous atteignent et nous enveloppent complètement. Nous perdons ainsi toute vue. Nous en sommes réduits aux quelques mètres de chemin ou de sentier devant nous. C’est dommage parce que nous longeons tout le long la falaise de El Golfo, et nous traversons des vastes étendues remplies à capacité de fleurs printanières.

Nous revenons à la voiture, et continuons notre tournée de cette partie si belle et si isolée de l’île. Nous sommes d’abord attirés par une route secondaire menant au phare de Orchila ainsi qu’à un monument dit du “Méridien zéro” au lieu qui a tenu pendant quelques centaines d’années la limite occidentale du monde européen. Mais le chemin est en gravier et sa condition nous inquiète un peu, ce qui nous amène à revenir sur nos pas. Nous continuons notre route en direction de la vallée de El Golfo. La route emprunte le seul endroit possible pour descendre au niveau de la mer, c’est-à-dire un vaste cône volcanique en bord de mer, avec une pente très forte et de nombreux petits cratères. La route est impressionnante, inquiétante même. Nous alignons les virages en épingle et les bouts de route qui semblent suspendus au-dessus de la mer. La route effectue même le tour presque complet de la lèvre d’une caldera suspendue à mi-hauteur de la pente. Une route acrobatique !

Mardi 3 avril

Nous choisissons un parcours qui nous permettra de faire une boucle au départ de Valverde, avec une grande variété de paysages différents. Nous avons d’abord beaucoup de difficulté à trouver le tracé du sentier choisi dans la petite ville de Valverde. Nous y parvenons après quelques erreurs de parcours. Depuis ce centre situé à une altitude d’environ 600 mètres, nous descendons d’abord en direction du petit port de El Tamaduste.

Nous quittons bientôt l’agglomération et nous engageons dans un ancien chemin bordé de fleurs très colorées: de l’orange, du jaune, du rouge, du bleu, du violet à profusion. Soudain, nous apercevons des vêtements au sol sur le bord du chemin. Tout ce qu’il faut pour habiller un homme. Les vêtements ne sont pas déposés, mais plutôt souillés et jetés au hasard. La scène est tellement bizarre et macabre que nous nous attendons tous les deux à trouver un cadavre. Nous inspectons les environs, en particulier la forte pente en contrebas. Nous ne trouvons rien. Ouf ! Ça nous a donné une belle frousse !

Le chemin se transforme bientôt en une forte pente sablonneuse, assortie de petits troncs d’arbres disposés en forme d’escalier, pour faciliter la descente. Nous gagnons toute suite une très belle vue, sur la mer, sur le petit port de El Tamaduste, et aussi sur l’aéroport de l’île situé en bord de mer. À notre gauche, un grand volcan assez récent. Nous descendons jusqu’à la bordure du plateau qui surplombe El Tamaduste. De cet endroit nous avons une vue plongeante sur le petit aéroport de l’île; nous aurons même l’occasion d’assister à quelques atterrissages et décollages.

Puis nous changeons de cap pour contourner le volcan en grimpant doucement. Le sentier devient de plus en plus étroit, de plus en plus sommaire puisqu’il ne s’agit pour une certaine distance que d’une trace de cailloux et de gravier déplacés. Tout juste assez pour le passage d’une personne. Nous débouchons dans une vaste zone de vignobles établis sur une large coulée de lave, d’une couleur noir absolument sinistre. Nous découvrons dans chaque vignoble une bonne quantité de vieux pneus, empilés autour d’un certain nombre des ceps, mais pas tous. À quoi servent-ils ? À couper le vent ? Mystère ! Nous pique-niquons à cet endroit. Puis nous continuons à circuler parmi les maisons éparses, jusqu’au moment où nous arrivons au village de Echedo proprement-dit. Nous ne cessons de traverser de nouveaux paysages, sans cesse variés. Des pentes de cendres volcaniques. Des vallons remplis de scories. Des champs cultivés. Des vignobles. Une immense variété de paysages. Du village, nous effectuons une remontée fort intéressante le long d’un ancien chemin traditionnel à travers de petits vignobles familiaux. Puis nous arrivons à Valverde.

Mercredi 4 avril

 

Vu le temps maussade et les sommets indubitablement ennuagés que nous avons le matin à notre maisonnette de Erese, nous partons à la recherche du soleil. Notre petit doigt nous suggère la côte de El Golfo; et il a raison. Nous nous rendons à La Maceta. C’est le site de ces piscines créées artificiellement en bordure de mer (et au bas des falaises) pour permettre la baignade dans ce qui s’avère une côte rocheuse et dangereuse autrement. L’endroit est bien populaire, surtout en été. On y trouve un restaurant et un kiosque. De La Maceta, nous suivons un magnifique sentier très travaillé qui longe la mer, à travers les champs d’une lave très noire. Le sentier surplombe la mer de quelques dizaines de mètres, nous donnant une vue remarquable sur la mer rugissante et les énormes vagues qui viennent s’écraser contre les falaises abruptes et déchiquetées. Même si le sentier est méticuleusement tracé (avec des bordures bien nettes et une surface bien construite, souvent recouvert de planches), l’avancée est exigeante. Nous passons d’une crique à l’autre, découvrant un paysage remarquable, une épaisse couche de scories bien foncées où la mer ne cesse de fracasser ses vagues. Ce qui produit des “geysers” qui s’élèvent très haut, quelque dizaines de mètres au-dessus des falaises. Nous arrivons éventuellement au petit village de Punta Grande, construit autour d’un centre de vacances. Mais l’intérêt du lieu c’est l’hôtel Puntagrande qui s’y trouve, installé sur une très étroite pointe qui s’avance dans la mer, qui en bat les falaises. On le dit être le plus petit hôtel du monde, avec ses 4 chambres, selon le livre des records Guinness. Ça laisse un peu songeur ! Nous explorons un peu la suite du sentier, qui se heurte à la falaise impassable qui limite El Golfo, puis nous rebroussons chemin jusqu’à l’auto. Nous terminons la randonnée par un agréable verre de vin blanc au kiosque de La Maceta.

Jeudi 5 avril

Aujourd’hui, le soleil est au rendez-vous. Nous choisissons une randonnée qui traverse les hauteurs de l’île jusqu’à la limite de l’autre vallée effondrée, sur la côte est. Cette randonnée se fera depuis le plus haut village de El Hierro, San Andrés. La vie doit être un peu triste dans ce patelin, qui se trouve trop souvent perdu à 1100 mètres d’altitude dans la couronne de nuages qui s’accroche trop fréquemment à ces hauteurs. Au lieu de prendre le chemin direct, nous nous permettons un détour par une petite route qui traverse de vastes plateaux chargés de fleurs printanières multicolores, sans aucune habitation, où la seule activité semble être l’élevage de vaches et de brebis. Il faut dire que le fromage de El Hierro, un fromage blanc bien simple et non vieilli, a une fort bonne réputation partout aux Canaries; on aime en particulier le griller et le présenter en entrée. Ces plateaux jouxtent l’impressionnante falaise de El Golfo. La route nous amène près de cette limite, au Mirador de Jinama, où aboutit le chemin de Jinama, le principal chemin traditionnel qui reliait El Golfo au reste de l’île, avant que la route et le tunnel soient construits, à partir de 1960. Nous passons un bon moment à admirer le paysage. Puis nous descendons quelques pas sur le chemin de Jinama, ce qui nous donne des envies d’y revenir pour une randonnée, à un autre moment puisque des nuages épais apparaissent maintenant.

Nous laissons la voiture au centre du village de San Andrés. Puis nous nous engageons sur des rues, des ruelles, des chemins traditionnels en direction du Mirador de Isora. Nous quittons bientôt le village et déambulons dans des chemins creux qui desservent les nombreux champs de ce plateau. Mais, ici comme ailleurs, nous constatons la désertification de l’île, l’abandon des cultures. C’est peut-être plus marquant ici puisque la topographie est assez douce, ce qui aurait dû faciliter la prolongation des cultures. Les chemins et sentiers ne sont pas très fréquentés, si on en juge par la minceur des traces dans la végétation. Aujourd’hui les oiseaux sont très présents.

Nous traversons le village de Isora, non pas par la route moderne, mais en suivant l’accès traditionnel. Les champs sont presque tous en jachère, beaucoup de maisons sont abandonnées, certaines sont de toute évidence devenues des résidences secondaires. Partout, nous croisons d’autres chemins qui semblent nous permettre d’autres belles découvertes.

Nous arrivons finalement au Mirador de Isora, un bel observatoire dominant la baie de Las Playas, cet autre effondrement qui, même s’il est moins important, fait le pendant à El Golfo. Nous dominons de 800 mètres ce vaste effondrement de plus de 3 kilomètres de diamètre; un peu plus loin, ce serait de 1100 mètres. La vue est marquante. Ce mirador est lui aussi l’aboutissement d’un sentier qui grimpe depuis la mer, un sentier bien ténu, dont la portion de parcours que nous pouvons apercevoir nous étourdit. Nous revenons à peu près sur nos pas, mais en suivant la route moderne cette fois, pour une moitié du chemin.

Une fois rendus à la voiture, il nous vient l’idée de visiter un port, en fait une toute petite petite ville, du nom de La Restinga, qui est un centre renommée de plongée sous-marine. La route passe par El Pinar, où nous avons déjà fait le plein, puis elle s’engage dans une longue descente à travers une région désertique d’un volcanisme récent. Nous arrivons éventuellement à ce joli port, peut-être la plus urbaine agglomération de l’île. C’est ici, près des quais, au grand soleil que nous prenons notre vin blanc.

Vendredi 6 avril

Nous effectuons aujourd’hui une randonnée depuis le village voisin, El Mocanal, en direction de la crique du Pozo de Las Calcosas. Ce sera une descente de 500 mètres sur 6 kilomètres de chemins ancestraux. Après la descente, il y aura évidemment la remontée.

Ce versant de l’île était très cultivé, en petites parcelles en terrasses encloses de murs de pierres. Ces parcelles étaient accessibles par de nombreux chemins creux pavés de pierres grossières ou directement sur des dalles rocheuses. Il faut dire que la pierre volcanique abonde sur le versant et que l’agriculture ne peut se réaliser qu’en extirpant patiemment ces pierres de la rare terre labourable. Le matériau ne manque pas pour construire des murs de pierres sèches ! La marche est donc assez difficile, d’autant plus que la pente est forte et soutenue. À la descente, il faut vraiment porter attention à chacun de nos pas.

À la descente, nous pouvons observer, vers le bas du versant, des travaux lourds de “création” de nouveaux champs visiblement destinés à la viticulture. Ce sont des engins lourds qui cassent la pierre, qui construisent de vastes terrasses soutenues de murs monumentaux, qui nivellent la terre fraîchement importée d’ailleurs. Il s’agit là d’une exploitation commerciale, d’un investissement sérieux. Le vin de El Hierro doit bien se vendre !

Nous arrivons à une petite agglomération, une sorte de village, complet avec un arrêt d’autobus, une pizzeria fermée pour la saison et un petit bar. C’est Las Calcosas. Nous nous approchons de la côte et découvrons que l’épaisse couche volcanique a été érodée par la mer en une imposante muraille d’une centaine de mètres. Surprise ! Nous découvrons au fond de cette anse un ensemble de petites maisons toutes adossées les unes sur les autres, au bord de piscines artificielles. Ces maisons qui étaient naguère celles de pêcheurs sont aujourd’hui des résidences secondaires, destinées à des fêtes de fin de semaine. Nous descendons le large escalier qui s’accroche à la falaise. Des câbles et des filets retiennent les rochers les plus inquiétants. Nous passons un bout de temps dans ce village désert. Puis nous rebroussons chemin. De manière surprenante, la remontée nous a paru plus facile que la descente. Peut-être à cause de la pente forte sur des pavés très inégaux.

Samedi 7 avril

Nous allons une de fois de plus rejoindre le soleil dans la vallée de El Golfo. Nous allons explorer les nombreuses anses et plages qui en jalonnent la côte sur une distance d’une vingtaine de kilomètres en auto.

Premier arrêt au Charco de Los Sargos, une crique aux allures méchantes découpée dans un basalte acéré. Cela ne semble pas décourager les baigneurs puisqu’on y a aménagé des piscines artificielles et construit un accès architectural.

Ensuite, un passage rapide au Charco Azul, où rien n’a vraiment attiré notre curiosité.

Puis un arrêt plus prolongé au Pozo de la Salud (le Puits de la Santé). À cet endroit, l’eau d’un puits creusé au 19ième siècle s’est avéré tellement saine qu’elle était naguère exportée et qu’un établissement de soins s’y est établi. Aujourd’hui, un hôtel de qualité le remplace. C’est très impressionnant de voir un puits d’eau douce creusé dans un champ de basalte à la limite même de la mer. La rive est en fait une falaise verticale de quelques dizaines de mètres contre laquelle les vagues ne cessent de battre.

Nous traversons ensuite sur presque 2 kilomètres un grand champ d’éboulis provenant de la falaise que nous longeons. Les éboulis sont tellement fréquents et dévastateurs que la route est entièrement protégée par d’immenses filets d’acier.

Nous arrivons bientôt à Arenas Blancas, une petite “plage” où le sable noir est parsemé d’un peu de particules de coquillages, de couleur blanche. Comme c’est le seul endroit de l’île où le sable n’est pas profondément noir, on en fait un bien grand cas.

Nous découvrons un peu plus loin une anse nommée Arco de Piedra où l’on peut voir deux longues et minces pointes rocheuses qui sont reliées entre elles par un arc de pierre. Nous réalisons aussi qu’un très beau sentier côtier, qui débute à Arenas Blancas aboutit à cette anse; il faudra y revenir.

Nous continuons jusqu’au bout de cette route, où nous trouvons la plage de Verodal. Enfin ! Une vraie plage de sable ! Mais, déception, l’accès en est interdit, puisqu’elle se trouve juste sous une falaise instable, qui ne manque pas de produire des éboulis. Nous nous réfugions sous un toit de palmes un peu décrépit (au moins jusqu’à la prochaine saison d’été) et pique-niquons.

Au retour, nous faisons un détour par le petit village de Sabinosa, juché tout en haut d’un cône volcanique qui domine le plancher de la vallée.

Puis, juste avant de rentrer à la maison, je fais une surprise à Louise en la menant au Charco Manso, situé juste en bas de notre village. C’est une anse à peu près inhabitée (à l’exception de 3 ou 4 maisons) où la mer frappe la côte avec une force particulièrement inouïe. La côte est criblée de criques, de cavernes, d’arcs et de trous. La mer projette ses vagues en une série ininterrompue de “geysers”, qui alimentent ce qui paraissent être une multitude de ruisseaux et de chutes sur le basalte. Une des criques, la plus grande et la plus profonde, a été aménagée pour la baignade. Ce jour là, la mer est particulièrement vigoureuse, et les lames bouleversent la crique jusqu’à son fond. La baignade n’aurait été envisageable pour personne, même les nageurs les plus forts. À certains moments, toute la surface de la crique était blanche d’écume; il n’y avait aucune trace de cette belle couleur bleue de la mer canarienne. Louise est très excitée de la beauté de ces vagues et de leurs fracassements répétés. Elle n’hésite pas à prendre des dizaines de photos des blanches colonnes d’écume qui s’abattent sur la crique et ses falaises.

Dimanche 8 avril

Une autre journée maussade, en particulier sur les hauteurs, où nous sommes. Nous allons marcher quand même. Un sentier assez court, dans le coin de l’aéroport, le long de la mer depuis El Tamaduste. Ce sentier a été récemment construit entièrement dans une zone de scories encore stériles; il a fallu déplacer des tonnes de pierres coupantes pour façonner une surface un peu régulière entre deux bordures bien marquées. Nous nous engageons sur cette piste aux allures peu engageantes. Nous nous étonnons même de croiser un père accompagné de ses très jeunes enfants qui revient de cette randonnée. Le sentier demeure assez près du bord de mer, mais il serpente beaucoup, contournant des trous béants, des falaises trop dangereuses et des amoncellements de pierres impossibles à traverser. Nous atteignons éventuellement un point de vue situé à mi-chemin du sentier, face à un rocher au large (le Roque de las Gaviotas) qui héberge une masse d’oiseaux nicheurs. La pluie commence presque aussitôt, mais cela ne nous décourage pas de continuer.

Nous poursuivons notre chemin jusqu’à une pointe extrêmement découpée, que la mer attaque de toutes parts. Sa surface est tellement acérée qu’il est impossible d’y poser le pied. Mais nous pouvons toutefois apercevoir les quelques arches qui y ont été découpées par les vagues.  

Lundi 9 avril

Nous en sommes à la dernière randonnée sur l’île et la dernière randonnée de ce long voyage de 12 semaines. Nous retournons au Mirador de Jinama situé à 1250 mètres. Nous désirons faire la descente du Camino de Jinama jusqu’à El Hoyo, une descente de 900 mètres. Louise poursuivra sur le même sentier jusqu’à la mer. Je remonterai la grande falaise par un autre sentier qui me mènera à 1350 mètres, puis je retournerai à la voiture en longeant une route sur 7 kilomètres.

Le Camino de Jinama est un sentier très abrupt, mais très soigneusement construit, qui a été pendant longtemps le principal lien entre les populations de El Golfo et du reste de l’île. Il a été d’autant plus important que El Golfo ne dispose d’aucun port qui aurait pu facilement assurer la liaison. La précarité du lien que représente ce sentier ne fait aucun doute, puisque l’ascension des 700 ou 800 mètres supérieurs se fait en corniche sur une falaise presque verticale. Il a fallu construire un chemin de qualité, même s’il ne permettait pas le passage des voitures et charrettes, seulement des chevaux et des mulets. Les pentes sont très fortes et les courbes en épingle très accentuées, mais la surface est pavée avec application. Le départ s’effectue à l’ombre d’un énorme dyke qui émerge d’une quinzaine de mètres et plonge (nous le verrons plus tard) sur la moitié de la hauteur de la falaise, au moins 300-400 mètres. Une fois passée cette distraction, nous sommes impressionnés par la raideur de la pente où nous nous engouffrons, et par l’impossibilité de deviner le tracé du sentier au-delà des prochains 30 ou 40 pas. L’impression est bientôt renforcée par l’apparition de nuages qui déboulent du sommet de la crête. Mais, continuant bravement, le sentier se laisse découvrir de minute en minute. Nous ne cessons d’avoir des surprises. Un virage ou une descente insoupçonnés, une nouvelle corniche avec un faux-plat. Au bout d’une quarantaine de minutes, les nuages disparaissent et nous commençons à apercevoir le fond de la vallée. La descente se continue ainsi, les descentes pavées (qui sont les plus abruptes) représentant le plus grand effort d’attention et de fatigue musculaire.

Nous arrivons à la petite agglomération de El Hoyo, où nous pique-niquons, dans le petit parc de l’église et juste à côté de l’arène de lutte canarienne. Nous nous séparons ensuite. Louise poursuit le même sentier, qui descend jusqu’à la mer, à  La Maceta, à travers d’autres petites agglomérations, des jardins, des bananeraies et même des champs de culture d’ananas.

Pour ma part, je me déplace d’abord en montée douce sur la route construite en 1960 pour remplacer le Camino de Jinama. Je prends ensuite un sentier qui me mène au sommet de la crête à travers la forêt, mais sur une pente beaucoup moins forte que celle de la descente. Dès l’approche du sommet, je retrouve les nuages qui débordent depuis l’autre versant de l’île. Mais, maintenant, le vent est devenu très fort, et la visibilité se réduit au fur et à mesure que je m’approche du sommet. La température tombe aussi. J’ai l’impression de me trouver en pleine tempête de neige, en un peu plus chaud. J’atteins la route de crête. L’heure est déjà avancée. Je dois donc longer la route (heureusement peu achalandée) plutôt que d’emprunter le sentier de longue randonnée qui la longe. Je pourrai donc ainsi gagner un peu de temps. Le reste de la randonnée se fera en marche forcée le long de la route. Ma première inquiétude est de parer le passage des autos que je peux heureusement entendre venir un peu d’avance, alors que les chauffeurs ne me voient qu’au dernier moment. Ma seconde crainte est d’être subitement déporté par le vent de tempête vers le centre de la route. J’atteins finalement la voiture. J’arrive un peu en retard à La Maceta où Louise m’attend.   

Mardi 10 avril

Nous devons prendre le vol quotidien pour Las Palmas en fin d’après-midi. Mais nous quittons notre petite maison en fin d’avant-midi, tel qu’entendu. Nous choisissons de passer la journée au Charco Manso que Louise a tellement aimé, où elle pourra peut admirer les énormes vagues et découvrir d’autres trous et cavernes. Le mot “charco”, qui veut dire couramment “flaque” ou “mare”  fait référence aux piscines un peu artificielles qu’on aménage un peu partout dans les Canaries dans les criques qui s’y prêtent, pour faciliter la baignade sur des côtes généralement rudes et très inhospitalières. À Charco Manso, la mer donne violemment contre des falaises de basalte extrêmement découpées. Une des criques a été agréablement aménagée, permettant ainsi la baignade aux plus braves, lorsque la marée est assez basse et la mer assez paisible.

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